jeudi 18 mai 2017

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LES PARASITES DE L'ESPRIT, Colin Wilson





Les Parasites de l’Esprit (1967, Néo 1980) est un premier roman clef pour qui veut pénétrer la pensée étourdissante de Colin Wilson. Elle repose sur deux fondamentaux, la Phénoménologie de Husserl et l’Inconscient Collectif de C.G. Jung, deux penseurs auxquels il consacrera du reste des études très intéressantes (cf bibliographie). Pour faire simple, et au risque d’être caricatural, on retiendra
° de la phénoménologie, la question suivante : comment fonder, d’un point de vue critique, l’accès à la connaissance des réalités transcendantales à la conscience ?
° de l’inconscient collectif, admettre son existence et son influence, c’est reconnaître que « nous ne sommes pas d'aujourd'hui ni d'hier ; nous sommes d'un âge immense ».
Nous sommes dans un monde d’un futur relativement proche, en compagnie du Dr Austin, perturbé par le suicide de son ami et collègue, le Pr Weissman, célèbre pour ses travaux sur la conscience. Un suicide totalement incompréhensible. Il laissera à Austin de nombreux dossiers dont l’archéologue repoussera l’examen tout en notant que son collègue travaillait sur le mystère des « parasites de l’esprit » par lesquels il se sentait infecté. Austin est pour l’heure complétement mobilisé par les fouilles de Karatepe en Turquie [1], suite à la découverte d’une statuette dont la datation va créer une véritable révolution, remettant en cause les chronologies habituelles sur l’apparition de l’homme. De surcroît, le site dissimule sous plusieurs kilomètres de terre des blocs cyclopéens sur lesquels, après déblaiement, d’étranges inscriptions seront relevées :
-       Avant Pitkanas étaient les Grands Anciens.
-       Tudaliyas rendit hommage à Abhot le Noir.


Or, August Derleth va écrire au Pr. Reich, un proche collaborateur d’Austin, pour lui signaler qu’Abdoth l’Impur est cité par Lovecraft comme Grand Ancien. Et de fait, il figure dans la nouvelle Dans l’Abîme du Temps (1935), étant également connu sous le nom de Nyogtha. Lovecraft a vraisemblablement pioché dans « son réservoir à rêves – l’inconscient collectif » où il a retrouvé l’archétype de la cité cyclopéenne. Cette « découverte » va susciter un nouvel engouement planétaire pour l’œuvre du Prince Noir de Providence et l’opération Karatepe sera rebaptisée « opération Kadath ». Les deux savants sont du reste tellement enthousiastes qu’ils envisageront un instant d’entreprendre des fouilles en Australie sur les traces du Pr Nathaniel Wingate Pealse (cf annexe 1).
Mais Austin va rapidement mettre ses recherches archéologiques en sommeil, perturbé de plus un plus par des interférences dans son esprit par ce qu’il appelle, clin d’œil à Lovecraft, les Tsathogghiens.  Un prétexte pour plonger dans l’abondante littérature laissée par Weissman et ses étonnantes Réflexions Historiques ». Commence alors un combat titanesque contre « les Parasites de l’Esprit » sur fond de plongée vertigineuse dans les couches les plus profondes de la conscience. Les parasites sont une forme de cancer de l’esprit, et comme tout cancer est apparu lorsque l’homme a perdu son unité face à l’explosion du progrès, générant stress, inquiétude et désespoir. Réussir à les vaincre rendra à l’homme son unité et son émerveillement d’enfance. Un combat très coloré de science-fiction, au parfum d’Apocalypse et d’étranges pouvoirs de la lune.
Un livre dont, assurément, on ne ressort pas indemne.

Livres imaginaires

Il n’y a pas encore de Necronomicon dans ce roman, mais une belle bibliothèque de livres imaginaires à caractère scientifique :
° Réflexions Historiques, Karel Weissman, manuscrit non publié.
° La philosophie de Karel Weissman, Max Viebig, Northwestern University, 2012.
° Les Frontières de l’Archéologie, Dr Austin, Londres 1983.
° Lovecraft et les inscriptions de Kadath, Dr Austin, conférence à la Société Historique de New York du 18 juin 1999.
° La Vie, l’Être et le langage, Dr Austin, 2005.
° Œuvres diverses, Dr Austin.
° Dalgleish Fuller, étude sur le fanatisme, Daniel Atherson, New York 2010.
° Le Temple Caché, George Ribot.
° De l’Atlantide à Hiroshima, George Ribot.
° Mon grand-père, le poète russe Nadson, Stanlislaw Perzynski.
° Histoires Surnaturelles du comte Potocki, Stanlislaw Perzynski.



[1] Informations tirées de wikipédia :
 Karatepe est un site archéologique de Turquie, datant de l'Âge du fer et correspondant à l'ancienne cité néo-hittite d'Azatiwataya. Il est localisé en Cilicie, à une centaine de kilomètres au nord-est de la ville actuelle d'Adana, dans la vallée de la rivière Ceyhan. Karatepe a été découvert par H. Bossert en 1946, puis a fait l'objet de fouilles puis de restaurations sous la direction de H. Çambert de l'Institut Archéologique d'Istanbul.
Le site de Karatepe a été construit vers le IXe siècle ou le VIIIe siècle av. J.-C. (la datation est débattue) par Azatiwatas, roi d'Adana qui lui a donné son nom, qui était lui-même un vassal du roi Urikki de Qué, et donc un roitelet qui n'a pas joué un rôle majeur dans l'espace syro-anatolien à cette période. Il s'agit d'un petit site fortifié d'environ 200 sur 400 mètres, situé au sommet d'une colline entourée par une puissante muraille, et sans doute destiné à protéger une des frontières du royaume d'Adana. Cinq inscriptions retrouvées sur des portes, des bas-reliefs et une statue, deux en hiéroglyphes hittites et trois en alphabet phénicien, commémorent sa fondation. De fait, la culture de Karatepe à cette période révèle autant une appartenance à la nébuleuse néo-hittite qu'une forte influence phénicienne. Les éléments les plus notables de ce site à côté de ses inscriptions monumentales sont les nombreux bas-reliefs sur orthostates et des sculptures de lions gardiens de porte, qui sont remarquables du point de vue de la variété des thèmes abordés, et les différentes influences brassées (hittite, phénicienne, assyrienne).

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