lundi 28 janvier 2019

ADIEU BRUNO PEETERS



Aujourd’hui, je viens d’apprendre la disparition d’un homme. Il ne ferait pas la « une » des journaux. On n’en parlera pas à la télé. Sa photo ne sera pas sur la page d’accueil de tous les sites internet. Ce n’était pas un « people ». Ce n’était pas un Grand Artiste, avec des majuscules partout, des prix et des hordes de fans prêts à embrasser le sol après son passage. Non. Bruno Peeters n’était rien de cela. Mais c’était un passionné. Un passionné d’Imaginaire. De Bob Morane. De musique classique aussi. Un passionné qui abordait cet univers de l’Imaginaire avec cette éternelle étincelle dans le fond du regard. Il se délectait de vous raconter la dernière lecture, qu’il s’agisse d’une découverte… ou d’une réédition. Il adorait cet Imaginaire inspiré du « sense of wonder » venu des Amériques. Il dégustait les aventures de Conan, de John Carter ou de Tarzan avec l’enthousiasme d’un gamin. Parler avec Bruno c’était aussi retrouver une forme de naïveté rafraîchissante. Les chapelles, les clans, les luttes intestines, les egos, les sursauts stupides d’un monde « professionnel » dans le sens le moins noble du terme, lui passaient au-dessus de la tête. C’est normal. Lui avait toujours le regard baissé sur le texte, les mots, les phrases, les créateurs de mondes... Et le plaisir !
Bruno a écrit des millions de signes. Des chroniques, des critiques, des articles, des études, des recherches… Pour Phénix et pour d’autres publications. Toujours avec ce mélange de passion, d’érudition et d’humilité qui le définissait à merveille. Et pourtant, la plupart des lecteurs d’Imaginaire ne le connait pas. Bruno avait un regard acéré sur l’écriture, mais aussi sur la musique classique. Et pourtant, vous ne l’avez jamais vu. Parce que ce n’était pas son truc. Je pense que si on lui avait proposé, il aurait sans doute haussé les épaules, avant de partir dans un petit rire, puis de vous inviter à aller boire un verre de vin et de discuter de la dernière biographie illustrée de Lovecraft.
A chacune de mes trop rares rencontres avec Bruno, je me faisais fort de le taquiner sur sa soi-disant pudibonderie… Tout cela parce qu’il avait qualifié d’orgiaque, la scène d’ouverture de mon premier roman. Ces gentils délires finissaient toujours par déboucher sur d’énormes fous rires, dont certains ont même inspiré des nouvelles…
A chacune de nos trop rares rencontres, il me parlait aussi, forcément, d’Henri Vernes et du Commandant Morane. Lui qui était un lecteur de la première heure et un membre historique du fameux « Club Bob Morane ».
Aujourd’hui, je viens d’apprendre que Bruno est parti. Comme toujours, avec une grande discrétion. Sans doute avait-il peur de trop faire de bruit. Le crabe l’a saisi, alors qu’il allait profiter d’une retraite bien méritée. Et comme je le connais, il allait passer son temps entre Barsoom, les côtes de la Nouvelle Angleterre et le fracas des cuivres de Wagner.
Aujourd’hui, Bruno est parti. Et toutes celles et tous ceux qui ont participé, même une seule fois, à l’aventure de Phénix, sont orphelins.

C. Corthouts, Phénix

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