lundi 27 novembre 2017
vendredi 24 novembre 2017
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE SCEAU DE R'LYEH, August Derleth
Le Sceau de R’Lyeh (August
Derleth 1957, in Tome III, Robert Laffont). Encore un texte terriblement
téléphoné, la clef de l’énigme nous étant donnée dès les premiers paragraphes. Il
s’agit du dernier des rejetons de la branche des Phillips qui hérite de son
oncle d’une maison sur un promontoire près d’Innsmouth. Une demeure qui remue
parfois comme si elle était édifiée sur un « immense corps vivant ». Il se
plonge dans l’étude des papiers et des ouvrages du défunt et découvre que ce
dernier était à la recherche du « sceau de R’Lyeh », afin de libérer
Cthulhu prisonnier au fond de l’océan. Toute la littérature maudite sera bien
évidemment sollicitée (Sussex Fragments, Manuscrits Pnakotiques, Culte des
Goules, Livre d’Eibon, Unaussprechlichen Kulten) et le Necronomicon consulté
à l’université de Miskatonic. Il plongera également dans la fiction de
Lovecraft, riche en enseignements. Avec l’aide de sa gouvernante, Ada Marsh,
descendante d’Obadia Marsh, il découvrira dans sa maison un tunnel qui descend
dans une grotte sous la maison et exploreront ensemble ce qu’il reste du Récif
du Diable. Ils constateront à cette occasion qu’ils n’ont pas besoin d’appareil
de plongée mais sont capables de « respirer » sous l’eau. Fort des
indications trouvées dans les papiers de l’oncle, ils monteront une expédition
à Ponape et finiront par localiser R’Lyeh où ils feront sauter le sceau qui
emprisonne Cthulhu.
Une
nouvelle sans grand intérêt dans laquelle, une fois de plus, Derleth transforme
la mythologie lovecraftienne en lui donnant le parfum chrétien du bien et du
mal.
jeudi 23 novembre 2017
LE JOURNAL DE L'ABBÉ SAUNIÈRE (1901-1905)
Un ouvrage qui fera date :
En 1917 s’éteignait Bérenger Saunière, ancien curé de
Rennes-le-Château, personnage emblématique de la plus connue et captivantes des
histoires de trésors. Un siècle plus tard, Patrick Mensior, chercheur émérite
et reconnu dans la saga castelrennaise, propose de découvrir le quotidien de ce
prêtre à travers un témoignage on ne peut plus direct communiqué amicalement
par Philippe Marlin, éditeur, lui aussi passionné par l'histoire de l'affaire :
le journal personnel de Bérenger.
Patrick Mensior met ses qualités de chercheur et de
documentaliste au service de cette archive inédite, en y apportant des
commentaires avisés.
En annexe, il émet une hypothèse documentée en guise de
conclusion : tout proche du village, l'abbé aurait retrouvé un trésor dissimulé
au XVIII ème siècle dans lequel il s'autorisa à puiser jusqu'en 1905. Cette année-là,
après la survenue d'un accident qu'il considéra comme un avertissement du Ciel,
il décida d'en refermer l'accès et n'y retourna jamais...
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mercredi 22 novembre 2017
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LES PEINTURES INCONNUES D'ALEISTER CROWLEY
The Sun, auto-portrait
Les Peintures inconnues d’Aleister Crowley (catalogue
de l’exposition 2008 au Palais de Tokyo ; projet dirigé par Marco Pasi ;
Archè Milano, 2008). Même si la comparaison est oiseuse, Crowley ne peut m’empêcher
de me faire penser à Lovecraft. Ce n’est en effet que post-mortem que ces deux
personnages obtiendront reconnaissance et célébrité.
On ne retient
habituellement de Crowley que ses frasques sexuello-magiques. On sait plus rarement
qu’il était également un peintre de talent dont toutes les tentatives « d’exposition »
ont pratiquement échoué de son vivant. Londres en 1998 puis Paris en 2008
répareront cette lacune. On ajoutera que l’exposition parisienne a été reprise
le temps d’un week-end au Center 548 à New-York (Night Mare Paintings, 2015)
Crowley
découvrira les milieux artistiques à Paris, en 1898, avec son amant de l’époque,
le jeune peintre anglais Gerald Kelly. Il fréquentera Auguste Rodin en 1907
puis fera ses premières armes au pinceau à New York en 1918. Mais c’est en
Sicile que son art prendra toute sa dimension.
Cefalu
La
manifestation au Palais de Tokyo était centrée sur les peintures inconnues de
Crowley. Celles-ci ont été découvertes, il y a quelques années, par un
particulier en Sicile et regroupées sous le nom de « collection de Palerme »,
afin de préserver l’anonymat souhaité par l’inventeur. L’ensemble est bien
évidemment très marqué par la période Cefalù (1920-1923) et sa fameuse abbaye
de Thélème dont il avait décoré intégralement sa chambre – la Chambre des
Cauchemars – ainsi que partiellement d’autres pièces.
Sunset
On peut
classer l’œuvre de Crowley en trois catégories : paysages, portraits et « magie ».
C’est à cette dernière catégorie qu’appartiennent trois planches qui
préfigurent son jeu de tarot, The Book of
Thoth, qu’il réalisera de 1938 à 1942 avec l’artiste anglaise Frieda
Harris.
Son
style, très coloré, est fortement inspiré de Gauguin. Il le définissait comme
étant un Impressionnisme subconscient,
travaillant plus par visions que par création réfléchie.
Crowley aurait produit environ 300 œuvres
dont seule une petite partie nous est connue. Entre visions oniriques et hallucinations
psychotropes, utopie d'un paradis primitif, l'ensemble de l'œuvre de Crowley a
influencé la contre-culture autant que la musique pop.
Ninette
JE SUIS TON PÈRE ; la Mythologie de Star Wars à la Maison d'Ailleurs
Une exposition intéressante va ouvrir ses portes à la Maison d'Ailleurs : comment la science-fiction contribue à la création de nouvelles mythologies avec l'exemple de Star Wars.
jeudi 16 novembre 2017
mercredi 15 novembre 2017
LES CHRONIQUES D'EL'BI B : LES CHRONIQUES DE CTHULHU, Joshi
Les Chroniques de Cthulhu, anthologie dirigée par S.T. Joshi, Bragelonne/Sans
Détour, 2017.
80 ans
après la disparition du Maître de Providence, la fiction néo-lovecraftienne
continue d’affluer dans les rayons de nos bibliothèques. Le pastiche pur et dur
à la Derleth a certes pratiquement disparu des étals pour faire place à des
textes d’ambiance dont le lien avec Lovecraft n’est du reste pas toujours
évident. Et on restera sur sa faim en matière « d’horreur cosmique »,
touche rarement reprise avec succès par les continuateurs. Cela dit le recueil
concocté par Joshi est agréable à lire et contient plusieurs petites perles
comme cette correspondance imaginaire entre l’auteur et un écrivaillon anglais
en mal de publication.
Cthulhu
Deal de Calmar de
Michael Shea. Un petit texte atroce mettant en scène un vendeur d’alcools dans
une boutique de nuit. Entre un grand black qui lui demande de l’argent pour
conclure un pacte et le conduit dans un manoir isolé au sommet d’une colline.
Un grand réservoir est attenant à la demeure dans lequel se trouve Cthulhu qui
attend son heure.
Usurpation de William Browning
Spencer. Brad Phelps rentre en voiture de
El Paso, en compagnie de son épouse Meta, alors qu’un essaim de guêpes envahit
l’habitacle. Il perd le contrôle de son véhicule et se réveille à l’hôpital,
sérieusement blessé. Meta est indemne. Il reçoit la visite d’un certain Pr
Michael Parkington qui lui explique qu’il a été victime d’une
hallucination ; son corps du reste ne porte aucune trace de piqûre. Il
ajoute que la région de Silo où s’est produit l’accident dissimule un grand
mystère, et que ce type d’hallucination est fréquent chez les automobilistes
qui la traversent. Il lui remet son ouvrage, Montagnes Hantées : l’Atlantide du Désert dans lequel il
explique que l’Atlantide a sombré près de Silo. Il rentrera à Austin où il
réside, en compagnie de son épouse qui reprend son travail de bibliothécaire.
Suite à la disparition de cette dernière – disparition produit de son
imagination -, il retournera à Silo où un indigène local le conduit au sommet
d’une montagne au pied de laquelle se trouve un grand lac. Et d’avoir la
révélation : « Il est là ». Follement
pressé d’embrasser son destin, il se jeta de la corniche et tomba vers le Père
de tous les Univers, où rien ne se perdait, où tout était dévoré.
Un très
bon texte qui revisite astucieusement l’horreur cthuluienne.
Avec Le Dôme, Mollie L. Burleson nous
entraîne à Sand Rock, une petite ville du Nouveau-Mexique, où Tom vit
paisiblement sa retraite. Il y a au centre de la ville une immense bâtisse en
mauvais état qui abrite une sorte de brocante, tenue par un vieil homme sale et
particulièrement désagréable. Lors de ses rares emplettes, Tom remarque sur le
plafond de l’entrepôt une grande lucarne en forme d’œil. On raconte dans la
ville que le commerçant est souvent plongé dans un énorme livre de magie, qu’il
a les mains palmées et sent le poisson. On laisse également entendre que se
réunissent dans ses locaux les membres d’un culte bizarre. Lors d’une nouvelle
visite à la brocante, Tom constate que la lucarne est ouverte, qu’elle donne
(en pleine journée ensoleillée) sur un ciel noir d’encre et semble cacher une
créature grouillante de tentacules. Tom s’enfuit. Le local sera fermé par les
autorités et on ne reverra jamais le commerçant.
Histoire Surnaturelle d’Adam Niswander nous relate l’histoire d’un brave
père de famille sans histoire qui a le malheur de ramasser sur le trottoir un
médaillon orné d’une chose dotée de tentacules, avec un gros œil rouge au
milieu. Il va subir une transformation effrayante, ses os « fondant »,
lui donnant l’apparence d’un gros mollusque doté de branchies !
Horreur
Marques de
Joseph .S. Pulver. Un quidam fait un long trajet en voiture pour livrer un
colis à Phoenix à une heure précise. Il sera accueilli par un personnage
malsain qui le trucidera. Je n’ai pas vu où était l’inspiration lovecraftienne.
Même
remarque pour Violence est fille de
confiance de Michael Cisco mettant en scène une famille de dégénérés
kidnappant des femmes pour les sacrifier et déguster leur cœur, selon un rituel
familial !
Avec Démons Mineurs, Norman Partrige nous
entraîne sur la piste du gore. Un shérif d’un coin perdu des States enquête sur
des crimes horribles, les victimes étant transformées en redoutables zombies, « les
faces de sang ». Il faudra l’intervention de l’armée pour éradiquer le
fléau.
Le Broadsword de
Laird Barron met en scène un certain Pershing Dennard qui vit hanté par le
souvenir de son ami Terry Walker qui a disparu lors d’une expédition dans la
jungle, et qu’il n’a pu retrouver. Il réside maintenant, à 70 ans, dans le Broardsword, un ancien hôtel de luxe
transformé en appartements. Divorcé, il fréquente la charmante Wanda avec
laquelle il ne se décide pas à partager la vie. Ses nuits sont peuplées de
cauchemars, visite d’une dame en noir et surtout conversations répugnantes qui
émanent des canalisations. Le fils d’un de ses voisins sera retrouvé trucidé
alors qu’il est « aspiré » par la tuyauterie pour plonger dans
d’infects bas-fonds où il retrouve Terry qui crie vengeance. Revenu dans le
monde de l’éveil, il subira de subtiles transformations et finira par égorger
avec un râle de plaisir Wanda. Un texte bien ficelé dans lequel il est cependant
difficile de détecter l’ombre du Maître.
Rotterdam de
Nicholas Royle est en quelque sorte une suite à la nouvelle de Lovecraft, Le Molosse. L’écrivain, qui porte le
prénom de Joe, vient d’en réaliser une adaptation cinématographique et est
envoyé par son producteur à Rotterdam, afin de repérer des lieux insolites pour
opérer le tournage. La plongée dans les bas-fonds de Rotterdam est haute en
couleurs et il partagera de nombreuses chopes de bière en compagnie de Mains
qui vient de le rejoindre. Mains est chargé du script et le courant ne passe
guère entre les deux hommes, chacun ayant un point de vue bien particulier
quant au déroulement du scénario. Joe se réveillera dans sa chambre d’hôtel
avec une belle gueule et bois et un corps atrocement trucidé au pied de son
lit. L’écrivain dépècera soigneusement le cadavre, nettoiera méticuleusement la
chambre maculée de sang et partira prendre le ferry, profitant de la traversée
pour se débarrasser de quelques sacs encombrants !
Hurlements dans la nuit de Darrell Schweitzer fait partie de ces nouvelles
« planantes » que l’on a l’impression d’avoir souvent lues. Il s’agit
de l’histoire d’un petit garçon vivant dans une famille déchirée (sa mère et sa
sœur se suicideront, l’alcool aura raison de son père) qui aime se promener en
petite tenue la nuit où il se sent enveloppé par des créatures invisibles. Il
rencontrera un vieil homme qui ressemble à une créature de pierre vivante qui
l’initiera. Et ensemble, ils partiront dans les espaces infinis rejoindre le
Chaos Primordial.
Tunnels de
Philippe Haldeman met en scène un petit garçon David, qui vit dans un immeuble
au luxe suranné avec ses grands-parents et sa tante ; son père est parti
et sa mère a disparu. Il est hanté par de rêves récurrents dans lesquels il est
agressé par de gros vers tapis dans les sous-sols de la demeure. Il finit par
apprendre de son grand père que celui-ci a participé, avec d’autres résidents
de l’immeuble, à la construction d’un métro souterrain et découvert une fosse
grouillant de créatures monstrueuses. Un résident fait la garde dans les
sous-sols chaque nuit. L’attaque inévitable se produira et les habitants
déverseront des bidons d’essence pour vaincre les créatures, mettant feu à
l’immeuble par la même occasion.
Avec Substitution, Michael Marshall Smith
nous fait découvrir le charme des livraisons de courses à domicile. Le
narrateur est un peu épuisé par le régime bio/végan que lui fait suivre son
épouse et ouvre avec ravissement un sac rouge, déposé chez lui par erreur par le
coursier, rempli de viande. Sa femme, furieuse, fait enlever le paquet, mais notre
« héros » se met à fantasmer sur la ménagère qui habite près de chez
lui et qui aime les steaks bien juteux ! Il s’arrange avec le livreur pour
obtenir son adresse et se met à l’espionner, découvrant que c’est un vampire.
Lovecraft
himself
Esprits de Passage de Sam Gafford. Une petite perle dont le héros, employé dans une
Librairie à Providence, est affecté d’une grave tumeur au cerveau qui perturbe
ses perceptions. Lovecraft lui tient souvent compagnie, et il croise en
permanence de nombreux personnages du Mythe. Il mourra en devenant un
personnage de fiction.
Dans Tentante Providence, Jonathan Thomas
met en scène l’artiste Justin qui revient à Providence après une absence de 30
ans. Il n’a pas pu refuser une exposition de ses photographies organisée par
l’Université Brown où il a fait ses études, et notamment rédigé un mémoire sur
Lovecraft. Un Lovecraft que le hantait puisqu’il avait cru rencontrer son
fantôme alors qu’il était gardien de nuit sur le campus afin de financer ses
études. Il retrouve un Providence qu’il a du mal à reconnaître. La maison de
Lovecraft a été « déménagée » pour faire place au développement
tentaculaire de l’Université. Beaucoup de vieilles maisons ont disparu et les
bistrots de sa jeunesse ont fait place à des fast food. Son pèlerinage est empreint
de nostalgie et de boulimie : burgers, pizzas et sandwichs ont du mal à
remplir son estomac ! Lors d’une pérégrination nocturne sur les lieux de Celui qui hantait les ténèbres, il
rencontre à nouveau le Maître dans un petit square où se dressait, avant d’ère
rasée, l’église de la nouvelle. Il croit
voir encore Lovecraft dans l’arrière-boutique désaffectée d’un ancien glacier.
L’écrivain est en grande conversation avec une bande de jeunes chevelus qui semblent
lui faire signe. De retour à l’Université, il aura un violent conflit avec Palazzo,
responsable de l’exposition, qui refuse obstinément de lui rembourser ses frais
de déplacement. Le plafond de la galerie s’ouvrira sur l’espace vide où une
créature extraterrestre s’agite et plonge ses tentacules. On ne retrouvera que
la perruque de l’organisateur, Justin prenant ses jambes à son cou pour quitter
au plus vite la maléfique Providence.
Ramsey
Campbell nous présente la très étrange correspondance
de Cameron Thaddeus Nash, Un document récupéré par August Derleth en 1968
qui devait être publié dans l’Arkham
Collector, puis, Derleth changeant d’avis, dans un essai de Campbell sur
HPL. Le projet n’a pas abouti, les originaux ont été perdus, mais heureusement
le narrateur en avait gardé une copie. Il s’agit d’un échange entre un
admirateur anglais, Nash, et le Maître de Providence, le premier, béat d’admiration,
se présentant comme un grand rêveur qui se propose de soumettre au second les
textes tirés de ses excursions oniriques. Lovecraft, comme à l’accoutumée, fera
son travail consciencieusement, suggérant ici un nouveau titre plus percutant,
là une révision complète. Il s’engage de surcroît à essayer de placer la prose
de Nash auprès de Weird Tales. Mais
l’interlocuteur anglais supporte mal les modifications et piaffe d’impatience
de voir publier ses écrits. Le ton se gâte, Nash devient de plus en plus
agressif et commence à injurier Lovecraft, le traitant de noms d’oiseaux
(Lovecrotte !) tout en critiquant sévèrement ses nouvelles. Il estime être
un rêveur hors pair, Lovecraft ne lui arrivant pas à la cheville et le menace
de lui envoyer sa photo afin que notre écrivain puisse mesurer comment ses
voyages dans les Contrées du Rêve ont pu le transformer. Ce qu’il finira par
faire et, peu avant l’aube du 15 mars 1937, Providence sera réveillé par un
hurlement effrayant provenant de la maison de Lovecraft. On y trouvera la photo
d’un visage dont il manque le bas, remplacé par un vide étoilé.
Necronomicon
Le Livre de Denker de David J. Schow met en scène le type même du savant fou, le Pr
Langford Meyer Denker qui vient de rater de peu le prix Nobel de Physique. Son
invention est une machine permettant d’ouvrir une porte dimensionnelle. Elle
est décrite somme une gigantesque mécanique gothique et n’est pas sans évoquer
les machines folles de Carrouges ou de Ducamp. La communauté scientifique
s’élèvera avec véhémence contre cette création, qualifiée de supercherie
grotesque. Ce qui est pourtant tout à fait intéressant, c’est que le cœur de la
machine est un Livre. Un Livre conçu pour ne jamais être lu, une
contre-doctrine réceptacle de savoir inconnus et traqué pendant des
millénaires, un appât à fanatiques, un Graal pour obsédés, un ouvrage que l’on
referme en mourant. Denker fera travailler de nombreux cryptographes et
linguistes sur des extraits d’une version arabe que l’on croyait perdue. Il
testera les embryons de traduction sur des philosophes, des dérangés, des
enfants, des autistes et des victimes d’Alzheimer et lui donnera pour titre L’Ultime Outre-Tome, un titre qu’il
modifiera ensuite en L’Autre Tombe. Quoi
qu’il en soit, le moteur de la machine est opérationnel et Denker la fera
transporter dans l’espace pour obtenir de meilleurs résultats !
Une
brillante revisitation du Necronomicon dont
le nom n’est pas cité.
Pickman
Notre
cher Richard Upton Pickman continue d’inspirer les « pasticheurs
fous ». Avec L’Autre Modèle de
Pickman, Caitlìn R. Kiernan met en scène un ami de Thurber[1],
perturbé par le suicide de ce dernier. A la demande de la famille, il met de
l’ordre dans les papiers du défunt et tombe sur quelques croquis représentant
une jolie jeune femme. Les coupures de presse jointes au carton à dessin lui
apprennent qu’il s’agit d’une actrice de seconde zone, Vera Endecot dont
l’histoire est pour le moins sulfureuse : participation à des orgies,
meurtre, satanisme… Obsédé par l’actrice, et après de longues recherches, il
finit par la rencontrer. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et avoue avoir
servi de modèle à Pickman, en raison de sa particularité physique : sa
colonne vertébrale se prolonge par une queue. Elle avoue aussi que Endecot est
un pseudo pour dissimuler sa véritable identité, celle d’une famille d’Ipswich.
On la retrouvera quelque temps après pendue à un arbre et affreusement
déchiquetée.
Il est
amusant de noter que le narrateur, qui se veut un pur rationaliste, consacre un
long développement à Charles Fort et aux « imbécilités » qu’il
véhicule dans Le Livre des Damnés.
C’est au
tour de Brian Stableford de poursuivre les investigations sur le peintre
démoniaque avec La Vérité sur Pickman.
Silas Eliot, petit fils d’un ami de Pickman, vit isolé dans une maison de l’île
de Wight et reçoit la visite de Aleister Thumber, petit-fils du Thumber de la
primo-nouvelle. C’est un savant biologiste qui travaille sur les processus de
dégénérescence qui ont affecté Pickman et ses « modèles ». A ce
titre, il souhaite compulser les archives de Silas sur l’artiste, à la
recherche d’un ADN « pur ». Il remarque dans la salle de séjour un
tableau étonnant. En fait, il ne s’agit pas d’une œuvre de Pickman, mais de
Silas qui a attrapé le virus de dégénérescence, particulièrement contagieux…
W.H.
Pugmire nous donne, avec Les Habitants
de Wraithwood, un texte d’un surréalisme particulièrement malsain. Hank Foster ne se remet pas du décès
de sa mère, une grande critique d’art, et plonge dans l’alcool, la drogue et le
vol. Après un petit stage derrière les barreaux, il s’enfuit d’un centre de
réinsertion et échoue, complétement ivre, dans une forêt. Il sera recueilli par
un personnage qui lui fait penser à Jésus qui le conduit dans un manoir, un
ancien hôtel du temps de la prohibition. Et de pénétrer dans un univers truffé
de reproductions de tableaux et habité par une sorte de « Adams
Family » ; une vieillarde nymphomane, une ravissante créature
évanescente, un nain cul-de-jatte qui exsude une délicieuse saveur. La
nourriture est toujours la même, de la viande blême passée dans une machine à
spaghettis. On lui donnera une chambre décorée par un odieux tableau de Pickman,
un inachevé retrouvé dans une galerie mal famée de Boston. Les relations entre
tout ce joyeux petit monde sont particulièrement complexes et se solderont par
la pendaison de la jolie jeune femme dont le corps sera jeté dans l’étang du
parc où des sphères brillantes semblent attendre leur pâtée.
Rêves
Rêves de Désert de Donald R. Burleson. Un récit archi-classique d’un jeune employé de
bureau de Providence qui rêve d’un désert étrange où se trouve une statue non
moins curieuse. Il se rendra sur place et retrouvera les éléments de son rêve.
dimanche 12 novembre 2017
CLAUDE ARZ ET CHARLES H. FORT
Claude Arz nous parle de Charles Fort au Salon de littératures Maudites 2017. C'est sur ODS TV :
vendredi 10 novembre 2017
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : CROWLEY, QUI SUIS-JE ? Christian Bouchet
Crowley, Qui-Suis-je ? Christian Bouchet, Pardès 1999.
Ce
travail, issu de la thèse en doctorat d’ethnologie de l’auteur, est
particulièrement claire et concise. La vie de Crowley est traitée rapidement,
Christian Bouchet mettant surtout l’accent sur les pérégrinations de Crowley
dans une multitude de sociétés initiatiques plutôt que de s’appesantir sur ses
frasques sexuelles qui ont défrayé la chronique de l’époque. L’intérêt du
travail est certainement dans le second chapitre où le système magique de
Crowley est décortiqué avec précision. Un système qui se caractérise par un but
ultime qui est l’atteinte d’un état où l’homme et Dieu ne sont plus qu’un. Il
rejoint ici les grands mystiques, cherchant à s’élever d’initiation en
initiation, de sephira en sephira, afin d’accéder au grand tout, l’Ain Soph.
La
démarche suivie se veut scientifique : Nos
conceptions les plus pures sont symbolisées par les mathématiques. Dieu est le
grand arithméticien, Dieu est le grand géomètre. Donc, il vaut mieux se
préparer à le comprendre en soumettant nos esprits à cette démarche (in Magie en théorie et pratique). Crowley
avait présenté son Livre de la Loi comme
ayant été dicté par un esprit, Aiwas. Il reconnaîtra ultérieurement que ce n’était
rien d’autre que l’expression de son moi inconscient.
L’étude
de l’œuvre de Crowley montre que celui-ci a mené de concert une magie
cérémonielle classique avec tout son « appareillage » et une pratique
tournée sur soi et très proche du yoga. Le but du rituel est d’avoir un contact
avec une manifestation divine invoquée qui peut être son ange gardien. Pour
arriver à la « fusion », et surtout dans la pratique personnelle, il
conseille l’utilisation de diverses techniques : soit de nature psycho-mentales
(yoga, visualisation, récitation de mantras…), soit par l’usage du sexe ou de
la drogue.
Décrié
de son vivant et rejeté par les milieux intellectuels, Crowley suscitera après
sa mort un fort intérêt. De nombreux ordres et conventicules se réclameront de
sa « Magick » alors que la culture populaire des années 60 l’adoptera
en musique, au cinéma, voire en psycho-thérapie avec Israël Regardie et le
sulfureux Timothy Leary. Il est vrai que nous étions alors entrés dans « un
Nouvel Éon », celui des hippies, des Angry
Young Men, de la Beat Generation,
de la libération sexuelle et de la banalisation des drogues douces. Un terreau
favorable à la résurgence de « la Grande Bête ».
jeudi 9 novembre 2017
mercredi 8 novembre 2017
mardi 7 novembre 2017
lundi 6 novembre 2017
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : ALEISTER CROWLEY, THE NATURE OF THE BEAST, Colin Wilson
Etude - Aleister
Crowley: The Nature of the Beast (1987, Aquarian Press ; 2005, Aeon Books))
Un seul homme, à notre connaissance, osa
présenter sous une forme conceptuelle et revendiquer l’attitude magique
fondamentale. Cet homme est sans doute le plus grand et les plus inquiétant,
peut-être le seul magicien du XXe siècle occidental : Aleister
Crowley.
Robert Amadou in Planète no 19
Colin
Wilson était fasciné par Crowley (1875-1947), ainsi que l’atteste sa longue
entrée dans L’Occulte, dans laquelle
il cherchait à répondre à la question : « est-ce que sa magie
fonctionne ? » Et avec la forte intuition qu’il devait y avoir du
vrai dans les travaux de la « Bête ». Il revient longuement sur ce
personnage sulfureux dans une biographie bien documentée qui n’est –
contrairement à beaucoup d’autres traitant de Crowley- ni une hagiographie ni
une critique destructive. Il ouvre son étude par un premier chapitre fort
intéressant, dans la mesure où il fait le lien avec ses premières théories sur
l’Occulte. Pour Wilson, en 1971, les phénomènes paranormaux étaient occasionnés
par la Faculté X, elle-même produit d’une conscience « élargie ». Il
ne s’agissait rien d’autre que d’une utilisation adéquate des « pouvoirs
inconnus de l’homme », toute autre explication faisant appel aux
« esprits » étant de l’ordre de l’affabulation. Wilson revoit en 1987
considérablement sa copie, et, après examen approfondi d’un certain nombre de
cas parapsychologiques, notamment africains, arrive à la conclusion que ces entités
peuvent réellement exister. Il les qualifie « d’esprits décorporés »,
tout en précisant qu’il ne s’agit pas uniquement de ceux de défunts, mais aussi
d’esprits de la nature ou élémentaux.
Écrire une biographie de Crowley est un art difficile, les excès de tous ordres du
Magicien brouillant en permanence les cartes au point de lui enlever souvent
toute crédibilité. Ce dont souffrira toute sa vie le Maître Thérion dont
l’immense besoin de reconnaissance ne sera jamais satisfait. Il faudra attendre
que l’occultiste Kenneth Grant, responsable de l’OTO en Angleterre, reprenne à
son compte les travaux de Crowley après sa mort pour en faire une brillante
synthèse. Colin Wilson insiste notamment sur son Magick Revival, « la meilleure histoire de la magie moderne
jamais écrite » et précise que les travaux de Grant sont du « Crowley
bien meilleur que l’original. » Et de montrer qu’au-delà de ses outrances,
notamment sexuelles, Crowley avait fondé un système magique tout à fait
remarquable, basé sur la volonté.
- Fais ce que
tu veux est toute la loi,
- L’amour est
la Loi, l’amour soumis à la volonté
- Chaque homme
et chaque femme est une étoile
- La Magie est
la science et l’art d’opérer des changements en accord avec la volonté.
La
conclusion de cet ouvrage sera très « wilsonienne ». « La
philosophie thélèmite de la libre volonté humaine permet à l’homme de se hisser
à un niveau de conscience supérieur. Si on oublie le personnage pour ne se
concentrer que sur sa philosophie, il est fort probable que Crowley avait
raison ».
Notes
lovecraftiennes :
°
Colin Wilson nous épargne le parallèle souvent évoqué dans les sphères
ésotérico-lovecrafiennes entre le panthéon du Maître de Providence et celui de
Crowley évoqué notamment dans son Book of
Law. Une théorie qu’il a développée dans Le Necronomicon (1978) et qui provient des « travaux » de
Kenneth Grant.
°
Il évoque par contre Lovecraft au sujet de l’ouvrage de Crowley, Moonchild (1929), le qualifiant de
remarquable, à la jonction des plumes de Lovecraft et de Borgès.
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