dimanche 27 avril 2025
LES CHRONIQUES D'EL MANUELO, LA MAIN QUI GUERIT, Lina Maria Parra Ochoa
Parra Ochoa, Lina Maria, La main qui guérit, Les Escales, 2025 (2023).
Belle traduction française d’un roman initiatique récemment paru de Lina Maria Parra Ochoa. Une aventure transmise à travers trois générations de femmes qui illustre avec finesse les aléas de la découverte de dimensions subtiles de l’existence. L’auteure aborde la question avec sensibilité, avec une poésie du quotidien et une pointe de surréalisme qui ne sont pas sans évoquer d’autres plumes sud-américaines, comme Mariana Enríquez. On y croise aussi l’histoire récente de la Colombie, c’est-à-dire l’inexorable exil vers la ville qui touche la majorité du continent.
Cette lente et souvent difficile acceptation de « pouvoirs » ambigus, aux frontières entre la guérison et la sorcellerie, de la tradition populaire et de la modernité, Parra Ochoa la retranscrit très bien. On est loin du contexte du tourisme spirituel comme de celui du développement personnel. Le parcours des héroïnes discrètes de ce roman suit sans faillir ce que l’on connaît en ethnologie des initiations les plus classiques : un étroit sentier entre prédestination et libre-arbitre, l’affection de conversion, une initiatrice improbable, l’accès progressif aux pouvoirs et l’ambiguïté qui les accompagne, la porosité constante avec le royaume des morts. De fait, toute l’histoire s’inscrit sur cette limite entre vie et mort, et autour du choix de chacun à marcher d’un côté ou de l’autre de cette ligne fatidique. Un beau texte qui se lit d’un trait, une plongée dans la sensibilité féminine latine. N’hésitez pas !
E. T.
dimanche 20 avril 2025
LOVECRAFT EXPLOSE !
Lovecraft ou l’explosion post-mortem d’un obscur écrivain de Providence par Philippe Marlin. Editions de L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Alors que Lovecaft, parti des pulps, vient d’entrer à La Pléiade, Philippe Marlin, grand connaisseur de l’écrivain de Providence, publie ce dossier consacré à l’explosion des publications lovecraftiennes.
Ce dossier fut constitué pour une intervention au CERLI de l’Université de Nancy en novembre 2018. Les actes qui devaient être publiés aux Presses de l’Université de Lorraine n’ont pas vu le jour d’où cette publication à part.
L’ouvrage de Philippe Marlin met en évidence le phénomène d’explosion des publications de Lovecraft ou des études lovecraftiennes et tente de le comprendre.
« Nous examinerons successivement, dit-il en introduction, les données du phénomène actuel ; nous étudierons ensuite le rôle joué par les précurseurs du phénomène, les études lovecraftiennes, le fandom et le jeu de rôle des années 80/90 ; nous chercherons enfin à donner un sens à cette explosion contemporaine. »
Philippe Marlin part de 2010 pour démontrer, à travers une sélection, l’ampleur du phénomène Lovecraft dans la production française, tout en comparant avec le marché anglo-saxon.
Les études lovecraftiennes apparaissent aux Etats-Unis dans les années 80 et sortent Lovecraft de l’ombre. En France, dès 1969, Un Cahier de l’Herne, le fameux n°12, lui était consacré. Le jeu, L’appel de Cthullu, créé en 1981, en plein déploiement des jeux de rôle, va permettre à de nombreuses personnes de découvrir l’œuvre de Lovecraft.
Mais pourquoi ce succès ?
« La première raison de « l’explosion », suggère Philippe Marlin, réside dans le tour de force réalisé par Lovecraft : créer un Mythe à la fois organisé et suffisamment flou pour permettre à d’autres créateurs de s’y insérer. »
« Le mythe, ajoute-t-il, est plus un schéma qu’une structure complète. »
Mais, dans ce schéma, nous trouvons un panthéon, une bibliothèque de l’impossible, une géographie imaginaire… autant de possibilités d’appropriations et de créations qui font écho aux bouleversements du monde à travers le temps.
Lovecraft et son monde ont pénétré aussi bien l’Université que nos imaginaires. Son monde et ses créatures ont pris vie en nous. Souvent effrayantes, elles sont surtout là pour nous interroger. La réception de Lovecraft est vaste et profonde parce que l’œuvre sonde nos psychés tout comme les mythes antiques, avec une proximité qui peut aller jusqu’à l’insupportable.
Nous n’en avons pas fini avec Lovecraft, ce n’est que le début du retour des Grands Anciens.
samedi 19 avril 2025
LE DERNIER PETIT FACON