Sur les traces de Lovecraft, T2, Nestiveqnen
2018
Le
filon du pastiche est inépuisable
Arkham
Hugo
Jalurid, dans Magda, nous entraîne
dans une communauté repliée sur elle-même dans la région d’Arkham, au bord de
la Miskatonic. Magda vit recluse, enfermée dans sa chambre car rejetée par ses parents
car elle n’a pas subi « la transformation » à la fin de sa période de
croissance. L’absence de strie sur son cou la font classer dans la catégorie
des monstres. Elle n’a comme seul contact que sa mère qui lui fait passer sa
nourriture par un passe-plat. Un jour, elle réussit à s’enfuir par la fenêtre,
mais sera vite repérée par une voisine. De retour dans sa chambre, elle
entendra ses parents en conciliabule avant de se rendre à une réunion du
Temple. De retour, sa mère tentera de la poignarder en exécution de la peine de
mort prononcée à son encontre par les autorités. Elle parviendra à nouveau à
s’échapper et sera réupérée par une brave fermière des environs.
Art
fantastique
Jolie
fiction que Mouvement d’Ambroise
Garel. Un jeune peintre se lie d’amitié avec son voisin, un vieil homme qui
possède un duplex luxueux dont les murs sont ornés d’une foultitude de tableaux
animaliers, plus vrais que nature. Le propriétaire explique que ce sont les
œuvres de son fils, hélas disparu. Il lui offre une des pièces représentant une
mésange. L’artiste étudie attentivement la composition et constate qu’elle est
le fruit d’un dessein au trait continu. Il s’exerce à cette technique, mais
sans vraiment réussir à égaler l’original. Un soir, il pénètre dans l’appartement
et monte les escaliers ornés de représentations monstrueuses dont l’humanité
n’est plus qu’une étincelle. Il pénètre dans une chambre restée éclairée et
découvre une créature abjecte en train de dessiner l’Ultime. Hurlant de
terreur, il se jettera par la fenêtre.
Cthulhu
Alain
Delbe nous donne, avec La Vérité sur
Alexis Chandhor une petite perle dont il a le secret. Le narrateur retrouve
dans les papiers de son grand père, Floréal Delbe, un dossier sur Alexis
Chandhor, talentueux écrivain d’horreur qui a péri en 1921 dans l’incendie de
son appartement. Or le dit grand père a vécu longtemps sans le savoir sur le
même palier que l’écrivain, Chandhor étant le pseudo du locataire appelé Octave
Barillet. Les deux hommes sympathiseront mais l’écrivain ne recevra jamais chez
lui son voisin, prétextant qu’il ne fallait pas perturber son
« ambiance » d’écriture. Floréal remarquera quelques bizarreries dans
son comportement : il écume les poissonneries du quartier pour
s’approvisionner quotidiennement, il retrouve dans sa poubelle des messages
faisant état de protections occultes…. Profitant de la courte absence de son
voisin parti chercher le courrier en laissant sa porte entrouverte, Floréal
fera une visite éclair chez Barillet et apercevra dans une chambre une abominable
créature marine en train d’écrire avec un tentacule.
On
retrouvera, après l’incendie, Cthulhu engoncé dans une large redingote, dans le
train pour Dunkerque où il rejoindra la mer. Alain Delbe fait remarquer que la
nouvelle de Lovecraft, L’Appel de Cthulhu
est postérieure à ces événements (1926) et se demande si l’écrivain de
Providence n’a pas lui aussi contraint le Seigneur de R’Lyeh à l’écriture
forcée !
Ce qui marche au fond du Pacifique de Béryl Asterell est une nouvelle de facture classique,
plutôt bien troussée. Elle nous relate l’expédition d’un navire océanographique
dans la région de Fukushima, à la recherche de l’épave d’un navire disparu lors
de la catastrophe de 2011. Ce dernier avait été affrété par un riche mécène,
Claude Balfour, passionné d’archéologie sous-marine et de monstres marins. On
remontera de l’épave un coffret contenant divers papiers dans lesquels il est
fait allusion aux Soggoths, à Nodens, à la mission Dyer-Pabodie en Antarctique,
au Culte des Goules et au Necronomicon. On devine la suite :
une terrible tempête et une créature monstrueuse lançant ses tentacules pour
couler le bateau.
Innsmouth
Tout
est dans le titre L’Appel des Eaux de la nouvelle de Cancereugène. Après
un accident de voiture, un jeune homme se retrouve paralysé des jambes et vit
« surcouvé » par une famille inquiète. Sa chambre se transforme la
nuit, entre l’heure de son accident et celle de sa reprise de conscience :
tout devient vert, humide et malodorant. Il s’enfuira de sa maison de
rééducation où il vient d’être placé, constatant que des branchies se
développent dans son cou, et ira se jeter dans la rivière pour retrouver
l’océan et LES rejoindre.
Frédérique
Sevel nous conte, dans La Famille, l’histoire
de Walter Sanders, de Kingsport, qui sauve de la noyade l’un de ses
condisciples de l’Université de Miskatonic, Arthur Paul Grant. Ce dernier s’est
fait agresser par des malfrats qui voulaient s’emparer de son sac. Il montrera
à son sauveur le trésor qu’il contient, un exemplaire très rare du De Vermis Misteriis. Il est passionné
par la survivance de cultes anciens maritimes et mène ses recherches sous
l’autorité du Dr. Armitage. Ils arpentent la région, à la recherche d’indices
et visitent la cité désertée d’Innsmouth. Puis, lors d’une exploration
hasardeuse, ils tombent dans un trou et se retrouvent dans une grotte semi
immergée. D’étranges personnages hommes-batraciens se manifestent et semblent
bien connaître Walter. Celui-ci finira par admettre qu’il est de la race des
Profonds mais que sa mutation est à peine entamée. Arthur, atteint d’un asthme
aigu, succombera lors du retour à la surface. Lors d’une visite chez Arthur
pour nettoyer son appartement, il découvrira que son ami collaborait avec la
police locale pour éradiquer les derniers Profonds. En sa mémoire, il acceptera
de prendre sa suite avec l’aide d’Armitage ;
Livres
Maudits
Raf(a)les de Wilfried Renaut nous conte l’histoire d’Avel qui
vit en reclus dans son cabinet de curiosités avec pour compagnon un vieux livre
que lui a confié son grand-père. Les pages de l’ouvrage sont désespérément
blanches et rien ne permet d’y écrire. Pour des raisons mystérieuses,
l’appartement d’Alev sera balayé par une tornade alors qu’une voix lui
assène : Vénère-moi ou péris dans
ton trou ! Il sera sauvé (on
suppose) grâce au livre et le tout se terminera par la reprise du poème Azathoth de Lovecraft. Un récit confus.
Le Bal des Ombres d'Alexandre Baron est un récit qui s’inspire
fidèlement du « canon ». Jacob Clyne, un jeune chercheur en histoire
ancienne de l’université de Providence, se rend à la bibliothèque de Miskatonic
dont il a appris qu’elle venait de faire l’acquisition d’un exemplaire du Culte des Goules. Il croit avoir trouvé
une explication aux affaires « Dexter Ward » et « Dunwich »
et a besoin de consulter certains grimoires afin de conforter son opinion. La
Bibliothécaire, Mme Hepstein, se montre d’abord très réticente, mais après un
échange approfondi, admet qu’elle aussi fait des recherches sur le sujet et
qu’elle bute en ce moment sur la compréhension de l’ouvrage du comte d’Erlette.
Les deux chercheurs décident alors de s’associer et avec l’appui du Necronomicon, finissent par
« casser le code des Goules » et trouver la voie d’accès à Ceux du
Dehors. Mme Hepstein est tellement ravie qu’elle décide d’organiser un grand
bal masqué dans son manoir d’Arkham afin de révéler à ses amis le résultat de
ses recherches. Et de réunir une foule bizarroïde dont le « dress
code » est « créatures du Mythe ». Une violente explosion
secouera le bâtiment lorsqu’elle prononcera la formule découverte, entraînant
la disparition de tous les participants à l’exception de Jacob qui était resté
à l’écart. L’enquête de police piétinera mais fera admettre au rescapé qu’il a
profité de la cérémonie pour dérober les livres maudits dont il est un
collectionneur compulsif.
L’hôte de Marsden Hall de David Verdier frôle la caricature. Un quidam se
rend chez son ami James Wilbur Arnold qui vit dans un manoir isolé. Son
attitude est bizarre et il finit par lui avouer qu’il a fait l’acquisition
d’une retranscription du fameux Necronomicon.
On entendra bien sûr des bruits bizarres la nuit et le visiteur retrouvera
son ami transformé en une monstruosité dégoûtante. Bravo l’inspi !
Sutures spatiales de Francis Thievicz est du même tonneau. Un manuscrit
envoyé à Nesti qui fait part d’horreurs survenues à la lecture du livre maudit.
On apprendra par une note de fin que la maison du lecteur a été détruite !
Lovecraft
Poulpe Apocalypse de Guillaume Maréchal met en parallèle un quidam qui,
en 1875, va se frotter à des créatures innommables dans le quartier des Halles
et un jeune reporter chargé, de nos jours, par une revue anar de faire une
enquête sur un « Collectif HPL » qui organise des raves dans les
catacombes. On ne sera pas déçu du voyage, truffé de clins d’œil au Maître de
Providence et qui nous permet de rencontrer un grand lovecraftien devant
l’éternel, Roland C. Wagner. La sauterie souterraine se terminera évidemment
dans l’horreur et l’on comprend mal l’irruption de HPL himself dans le chaos
final.
Maison
Maudite
Jeff
Gautier nous propose avec La Maison des
Damnés un pastiche bien ficelé qui n’es pas sans rappeler les textes
d’August Derleth des années 40/50. Un jeune notaire, Charles Lequestac, est
chargé de faire l’inventaire de la demeure d’un de ses clients, journaliste,
mystérieusement disparu. Faute de descendance, la maison revient à la
municipalité qui veut la transformer en établissement pour enfants gravement
déficients. Il découvre un bureau envahi de papiers attestant que le
propriétaire se livrait à des recherches bizarres sur des cultes anciens. Il possédait
de redoutables manuscrits comme les Unaussprechlichen
Kulten de Von Juntz. Le journaliste a fait du reste une visite au bord de
la côte et a rencontré un « fou » dont il a brûlé la maison. Il en
est revenu passablement dérangé.
Le
notaire est pressé de boucler la succession par une Demoiselle Adèle, personne
mystérieuse qui prendra la responsabilité du futur établissement. Mais il doit
au préalable prendre contact avec le Pr Guttin de l’École des Chartres, ayant
retrouvé dans le bureau un paquet qui lui était destiné. Le savant sera fort
intéressé par l’ensemble de notes qu’il contient et fera une visite
« décryptage » de la bâtisse, mettant en évidence de nombreux
symboles ésotériques laissant supposer un chemin initiatique qui conduit au
passage d’une porte. Il partira avec les manuscrits maudits que lui confie
volontiers l’homme de loi.
Plusieurs
mois après le notaire fera une visite discrète près du manoir, apercevant les
enfants exécuter des danses bizarres autour de la directrice. Adèle contactera
son étude, lui demandant de venir suite à une découverte étrange faite dans la
maison. On ne reverra jamais Me Lequestac.
La
nouvelle de Virginie Buisson-Delandre, Just
dont’ask me what is was… sent le déjà lu. Une jeune executive-woman,
Marine, est perturbée, dans son appartement par des bruits atroces et des cris
d’enfant. Elle croise du reste un petit garçon le bras en écharpe. Elle en perd
le sommeil et s’en ouvre à son amie et collègue, Vanessa. Celle-ci accepte de
venir s’installer chez elle. Alors que le vacarme reprend pour Marine, Vanessa
n’entend rien. On retrouvera la jeune femme hagarde, dans les sous-sols de
l’immeuble, tenant dans ses bras le cadavre d’un petit garçon au bras bandé.
Miskatonic
L’Horreur des Bas-Fonds de Tepthida Hay met en scène un dilettante parisien de
la fin du XIXème siècle qui part dans les bas-fonds glauques de la banlieue
parisienne pour enrichir son cabinet de curiosités. Il dénichera chez une
vieille marâtre un bocal contenant un fœtus portant la mention « Unidentified
Miskatonic specimen » et une jolie montre gousset. Rentré chez lui, ses
emplettes se mettront à tout détruire en rendant vie aux créatures conservées
sur les étagères du cabinet. Il est vrai qu’à l’intérieur du couvercle de la
montre était gravé « Dunwich demon ».
Belle
surprise que Tertön de Jonas Lenn.
Nous sommes à Providence, dans un futur proche, en compagnie du Lieutenant
Llewellyn du FBI et de sa collègue, Samantha Perkins, détective à l’Agence
d’Investigation sur le Paranormal. Cette agence est spécialisée dans les
enquêtes relatives du Mythe de Cthulhu et possède dans un local sécurisé un
Shoggoth, récupéré lors d’une précédente affaire. Il est dans un état de vie
suspendue mais peut communiquer « mentalement » avec certains agents
ultra-sensibles.
Notre
équipe va se mettre en route pour enquêter sur la disparition d’un vieil
herboriste tibétain de Providence, R’Lyeh Topo, capturé par des hommes en noir
qui voulaient mettre la main sur une relique en sa possession. Les papiers
retrouvés dans sa boutique seront examinés par Havana Moon Castro, une ex de
Samantha, chercheuse à l’Université de Miskatonic. Le déchiffrement des
documents amènera l’universitaire à constater qu’ils ont été rédigés dans la
même langue que les Sept Livres
Cryptiques de Hsan et que la relique contient le fœtus du fils du premier
roi tibétain. Ce roi légendaire appartenait à la race des Profonds et la
relique est supposée avoir des effets bénéfiques sur la longévité. Les papiers
font également référence au Texte de
R’Lyeh et à un livre inconnu, Le
Livre des Profondeurs.
L’enquête
mènera nos investigateurs sur la piste du Dr Donovan, un familier de la
bibliothèque de l’Université et propriétaire d’une île flottante,
« Jouvence », sorte de clinique pour clients fortunés cherchant le
rajeunissement. L’herboriste tibétain y est retenu prisonnier avec sa relique.
L’opération menée par le FBI se terminera par un fiasco, Donovan préférant
faire sauter son île plutôt que de se rendre.
Mutations
monstrueuses
Guillaume
Roos a un talent évident pour instiller de façon lancinante la montée de
l’horreur. Dans L’étrange affaire des
Miraculés de Ferguson, il nous entraîne dans la clinique Crawford qui vient
de recueillir une dizaine de rescapés d’une explosion au gaz dans la ville,
manifestement consécutive à des émanations nocives venant des sous-sols. Les
dits rescapés sont miraculeusement indemnes, mais vont tour à tour se
transformer en une sorte de gangue vivante. Et après chaque
« mutation », le directeur recevra un visiteur banal (plombier,
électricien, démarcheur) portant le même nom que le transformé et tenant un
discours où il est question d’horreurs cosmiques. Il fera appel à un enquêteur
de son administration qui se présente sous le même nom que le dernier des
mutants. Les coquilles finiront par exploser, libérant des créatures
monstrueuses.
Nyarlathotep
Joli
clin d’œil que nous offre Guillaume Dalaudier avec La représentation de Phyrt. Nous sommes à Frichemesnil, petit
village perdu de Seine-et-Marne. Le brave Aimé rapporte à la maison un tract,
faisant état d’une représentation à la salle municipale du grand magicien
Anatole Phyrt (on aura compris l’anagramme). Poussé par la curiosité, et malgré
l’opposition de sa femme Germaine, il se rend au spectacle. Merveilleux
scientifique, visions cosmiques effrayantes, révélations ultimes, Aimé tombe
sous le charme de celui qui n’est autre que Nyarlathotep. Sa femme, disciple de
Nodens, attend de pied ferme son retour avec un couteau de cuisine.
Shub-Niggurath
Guillaume
Biéron nous propose, avec J’étais son
Dieu, un texte intéressant, mettant en scène un père divorcé qui a la garde
de son fils, Luc, le week end. Et le garnement, lors du pont du 1er
mai, fait une fugue. Le père fait une investigation poussée sur son ordinateur
et découvre que le rejeton fréquente des milieux goths adorant d’odieuses
créatures comme Shub-Niggurath. Une rave-party démoniaque est organisée durant
le week end et il repère sur l’ordinateur les coordonnées GPS de la
manifestation. Il se rend évidemment sur place pour récupérer le fiston. La
description de la soirée est grandiose, faite de musique métal et d’invocations
des Grands Anciens qui bien sûr ne manqueront pas de signaler leur présence. Il
parvient à exfiltrer Luc dont les yeux n’ont plus rien d’humain !