Golems, Alain Delbe (Phébus, 2004). Alain Delbe possède à la fois une belle plume et une
expérience de psychiatre qui lui permettent d’assoir solidement une histoire incroyable,
de surcroît parfaitement documentée. On y fait la connaissance d’un jeune garçon
du Nord de la France, Jacques, à qui la propriétaire de la résidence familiale
fait cadeau d’un petit livre, Les Camps de la Mort. Un petit livre
fascinant dans les photos duquel le jeune garçon va s’évanouir, retrouvant dans
ses cauchemars une petite fille torturée qui le supplie d’avouer son secret.
On zappe ensuite dans le
Prague des années 1936 en compagnie de Nathan, un jeune juif venu faire ses
études. Il possède un don exceptionnel, celui de la mémoire totale, capable d’enregistrer
des pans entiers des livres sacrés et de les restituer de façon impeccable. Il
est pris sous la coupe d’un vieux rabbin qui voit en lui le successeur à qui il
pourra confier le secret de la communauté avant de mourir. Et quel secret puisqu’il
ne s’agit de rien d’autre que de réanimer le golem qui gît dans un souterrain
sous la tombe de rabbi Loew. Nathan fréquente parallèlement deux compagnons,
Hermann, un chercheur allemand en occultisme et Camille, une étudiante française
qui prépare une thèse sur « Le Prague de Kafka et de Meyrink ».
Nathan tombera rapidement amoureux de Camille qui accepte de l’épouser s’il lui
avoue son secret. Il craquera et la jeune fille commettra une petite
indiscrétion en le partageant avec Hermann qui semble patauger dans ses
recherches ésotériques. Les choses se précipitent alors : l’Allemand n’est
autre qu’Otto Rahn, en mission sous les ordres de Karl Maria Wiligut. Nathan
est arrêté, déporté à Auschwitz, torturé pour livrer le cantique qui permet d’éveiller
le golem. Camille rentre précipitamment en France et Otto Rahn se suicide car
il ne supporte pas d’avoir trahi son ami Nathan. Ce dernier mourra à Buchenwald
juste au moment de la Libération, l’âme brisée, persuadé qu’il est que l’horreur
infligée aux juifs est une punition envoyée par Dieu pour avoir dévoilé le
secret d’Israël.
Nous retrouvons pour le
final Jacques, qui est devenu psychologue. Il exhume le petit livre qui l’avait
hanté et le montre à sa grand-mère, Nanou, qui s’évanouit. Elle reconnaît sur
une photo Nathan et finit par avouer qu’elle en était enceinte lorsqu’elle a fui
Prague et que son père n’est autre que leur fils. Mais le mal semble poursuivre
son œuvre et une vague de crimes néo-nazis frappe l’Allemagne. Jacques se sent investi
d’une mission et part sur les traces des coupables, sans omettre de nous
proposer un périple assez complet de tourisme « brun » (Wewelsburg, Berchtesgaden,
Nuremberg, Buchenwald…). Je ne spolierai pas la chute, si ce n’est pour dire
que le secret de la fabrication de golems n’avait pas été perdu pour tout le
monde !