C’est
sans doute à propos du site de Glozel que vous aurez entendu parler de
Robert Liris. Professeur d’histoire à Vichy, dans les années 60, Robert
Liris accueillit dans sa classe le petit-fils du propriétaire du site.
Suivirent des décennies de recherches sur les vestiges controversés de
Glozel.
« Les
productions de Glozel, dit-il, sont authentiques, mais en décalage
chronologique. Pour moi, c’est une survivance d’inspirations néolithique
et de l’âge du bronze. Selon le philologue suisse Hans-Rudolf Hitz,
Glozel aurait été un lieu de pèlerinage religieux et médical ayant
attiré un grand nombre de peuples sur plusieurs siècles qui auraient
célébré des cultes cosmiques dédiés à la déesse mère. »
Glozel
est le premier sujet abordé par Robert Liris et Claude Arz mais
d’autres suivent car les entretiens sont thématiques : la Table des
Bergers sur la montagne de Bozat, la fête aux mystères, la
psychohistoire, Passions poétiques, Rencontres avec des hommes
remarquables… Au fil des entretiens, ce n’est pas seulement une plongée
dans « l’histoire mystérieuse » que vit le lecteur mais une belle
rencontre avec un aventurier aussi attachant qu’intéressant.
Robert Liris définit ainsi la psychohistoire, qui donne sens à sa démarche :
« La psychohistoire est une discipline qui mêle l’histoire et la psychanalyse. C’est la recherche non pas du quoi, mais du pourquoi, de l’engagement profond de l’homme par rapport aux faits, la découverte de sa motivation profonde. »
Il précise :
« L’événementiel
dépend de la sphère politique, économique ou sociale si l’on admet que
le religieux est un masque pour passer à l’action sur les trois autres
grands domaines déterminants. L’aventure freudienne permet de pénétrer
et révèle le domaine caché des déterminations. C’est dans la psyché
humaine que se tapissent des ressorts d’explication de la motivation de
l’individu socialisé. Le champ d’étude de ce fait s’élargit en examinant
des documents laissés pour compte. »
Nous
comprenons mieux le décalage entre les hypothèses posées par Robert
Liris et les affirmations officielles nécessairement contraintes et
réductrices, pourtant les interprétations proposées en psychohistoire
ouvrent de nouveaux champs d’investigations et de nouveaux possibles.
« L’histoire, nous dit-il se conjugue avec le songe et le rêve. »
La
poésie se glisse naturellement dans la pensée de Robert Liris et vient
prendre une place centrale, en tant que telle ou comme regard sur le
monde, visible et invisible. Et il a cette intuition remarquable qui
envisage le son, qui précède le mot, comme porteur d’un sens propre.
Les
entretiens, autant de rencontres où la profondeur et la méthode se
mêlent, témoignent d’un voyage spirituel remarquable. Robert Liris
démontre comment nous pouvons traverser ce monde-carcan en restant
réellement vivant.
Les dialectiques factrices
dans les quêtes du Graal er les alchimies de Jean-Charles Pichon. Editions L’œil du
Sphinx et Association des Amis de Thélème, 36-42 rue de la Villette, 75019
Paris.
Quatre
parties composent ce livre magistral de méta-analyse et de métaphysique :
le Graal, les Alchimies, la Forme vide, les Machines annexes. Une fois de plus,
il est question de mettre l’accent sur les relations plutôt que sur l’objet et
le sujet afin de rendre compte du tissage du réel hors des temporalités
apparentes.
Jean-Charles
Pichon en appelle aux Grandes Images de C.G. Jung : « Non
seulement l’objet mais le sujet qui l’observe (JE) ne sont que des composés des
Grandes Images, dont l’étude révèle la réalité profonde
(l’Inconscient). ».
« L’objet
de ce livre, indique-t-il, n’est pas autre que l’étude des processus par
lesquels la Grande Image se fait un Système de symbole physique : ce sont
les Quêtes du Graal, lors du dernier renversement. Et l’étude des processus par
lesquels le Système de symbole physique donne lieu à de nouvelles Grandes
Images : c’est toute l’alchimie. Il n’en suit pas que les quêtes du Graal
et l’alchimie révèlent ce qui est l’Être en soi. Mais aucune quête et aucune science
ne le révèlent, bien qu’elles l’imitent, le créent ou le connaissent parfois,
soit symboliquement soit par l’image. »
Ceci
modifie radicalement et de manière totalement pertinente, le rapport à
l’initiatique qui n’est point une conquête (avoir et faire) mais une
célébration (être). Les interactions créatrices, les dialectiques, entre
Grandes Images et Système de symbole physique, ou encore Archétypes et
précipitations, une fois identifiées permettent de comprendre comment les
mythes se déplacent dans la temporalité et les cultures, se répliquant et se
renouvelant simultanément et aussi comment ils imprègnent le langage.
Jean-Charles
Pichon passe le cycle du Graal au tamis du système promesse-réponse. Remarquons
que ce système opère en toute dimension initiatique et peut-être même dans tous
les domaines de la vie. Ce schéma promesse-réponse en implique un autre :
déliement-défi car on se délie de sa promesse et on répond au défi. Les
personnages principaux du cycle du Graal et les événements qu’ils connaissent,
souvent des épreuves, apparaissent comme les facettes d’un unique quêteur et
d’une seule quête, indépendante des temps et des lieux qui sont des états de la
conscience en mouvement.
Avec
l’alchimie, l’Or remplace le Graal mais les enjeux demeurent, notamment le
sujet essentiel du temps que Jean-Charles Pichon a parfaitement identifié à la
fois du point de vue métaphysique, ce qui est classique, et du point de vue
scientifique, ce qui fait de lui un précurseur.
« Le
fondement de toute science rationnelle est la croyance en une flèche unique du
temps. Cette flèche est axée de l’Avant vers l’Après : soit du passé vers
le devenir, soit du devenu vers l’Avenir. Mais les deux sens eux-mêmes ne
peuvent se succéder que de l’Avant vers l’Après : dans le cycle cosmologique,
le matin précède le soir ou le printemps l’automne, dans le processus de vie,
l’enfance précède l’âge adulte, ou (très probablement) le minéral la plante,
qui précède l’animal.
Cette
croyance est donc suffisamment prouvée, à cela près du moins que, quelque part,
dans l’Instant, hic et nunc, le devenir précède le devenu (mais c’est alors le
devenir qui est avant, le devenu qui est après). »
Intégrer
ce principe est indispensable pour réaliser une quête initiatique, Graal,
Pierre Philosophale ou plénitude du Vide.
Jean-Charles
Pichon ne travaille pas à grands traits, il conduit le lecteur sur l’océan
agité des ambivalences. Parfois un îlot de stabilité permet à la pensée de se
poser avant de repartir. Etudier cette œuvre magistrale est un voyage aussi
passionnant que risqué. Les certitudes volent en éclat sans que d’autres
viennent les remplacer.
« Si,
nous dit-il, tout le problème est celui-là : la maintenance et la
plénitude de Ce qui est, l’Être ne dure pas sans se faire différent
(autrement), il ne se change pas sans redevenir le même (la même chose). Ou, du
moins, c’est ainsi que JE lit les processus, comme il voit le bâton se briser
quand il le plonge d’un élément dans l’autre (demeurant le bâton même) et le
nuage ou l’arbre se répéter dans le fleuve, la ville dans le mirage ou soi-même
dans le miroir – une même chose dans l’autre.
Mais
la réflexion (que provoque la réflection) et le sentiment de casse que provoque
la réfraction ne sont que des illusions nées des lectures. »
Il
faut encore traverser les apparences, se saisir des intervalles, car, conclut
Jean-Charles Pichon, « le jeu seul permet à JE une approche acceptable de
la réalité ».
G
M
T
Y
Text-to-speech function is limited to 200 characters
Entre les brumes et les bruits de l’image dérobée au temps qui l’efface,
nous avons essayé, Jean-Christophe et moi, de rendre à la prise de vue
fixée, son mouvement multiple, celui d’une incroyable aventure, celle du
mourir-n’être. Le procédé du fondu enchaîné rendait à une
troisième image le « figuratif d’apparition » mais l’immobile nous
rattrapait. On en était là, chacun sur notre estran, à marée basse…
sidéré ! Notre rencontre fut un flot qui nous porta au-dessus des
débris de naufrage de bien d’autres fragments déplacés d’images
retrouvées. Cela fut possible par une mystérieuse affinité élective,
celle de deux artistes qui écoutent le bruit du monde et savent sonder
des voies où la limite n’existe pas. Faisons du lecteur de ces lignes
le complice actif de ce renouveau des écritures mêlées et des images
captées et confondues. Nous avons parfois broyé nos styles d’écrits et
lancé les phrases poignards pour déchirer de la nuit, la page parfois
bien noire. Robert Liris pour Jean Christophe Pichon. Que
cache le portrait, saisi au vol il y a quelques décennies de
Jean-Charles Pichon immobile dans un singulier paysage ? Dont la
signification autrefois imperceptible, se découvre au fil de la mise en
lumière de l’œuvre du poète/métaphysicien. L’image, vivante, se modifie
selon l’observateur et la nature du regard porté. Robert tente de
percer ce mystère apparu, au-delà d’une photo, dans les images qui nous
parviennent des confins de l’humanité, traversant des siècles de bruits
et de lumières, jusqu’aux images générées par notre propre culture. Cela méritait bien une correspondance. Jean-Christophe Pichon pour Robert Liris.