vendredi 28 juin 2024

WENDIGO 7 DANS LA LETTRE DU CROCODILE

 


Wendigo, vol 7 . Les fioles d’immortalités. Editorial de Richard D. Nolane. Editions de L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

www.oeildusphinx.com

Pour cette nouvelle livraison de Wendigo, Richard D. Nolane nous a concocté un choix de textes savoureux : Les Fioles d’Immortalité par Rog Phillips – La Ménagerie du Major par Victor Rousseau – L’Âme de la Momie par Amelia Shackelford – Les Épouvantes de la Mer par E. M. Laumann – Choisie par les Dieux par James Francis Dwyer – La Chambre Lambrissée par L. T. Meade & Clifford Halifax – Le Cargo de l’horreur par Morgan Robertson – Le Démon du Jeu par Leroy Yerxa.

Nous retrouvons des auteurs familiers comme Rog Phillips ou Victor Rousseau et d’autres moins connus que Richard D. Nolane souhaite, pour notre plus grand plaisir, nous faire découvrir. Vampirisme, parfois décalé, proto-SF, épouvante, exotisme… de quoi rire parfois et surtout frissonner.

Chaque nouvelle est précédée d’une biographie de l’auteur et suivie d’une bibliographie qui permet de saisir les contextes, personnels et culturels, dans lesquels les textes furent écrits. Ils sont ainsi des témoins particulièrement intéressants d’une époque révolue mais dont les troubles, les intrigues, les violences nous sont tout aussi proches par leur actualité.

 

« La plupart des exemples de manifestations psychiques que j’avais étudiés jusqu’alors en compagnie du docteur Ivan Brodsky concernaient la possession spirituelle et les phénomènes apparentés – des sujets stupéfiants pour les profanes, mais plutôt banals pour ceux qui étudient les sciences. Mais j’allais ici être le témoin de l’une des formes les plus sombres et les plus mystérieuses du pouvoir de l’esprit. »

Victor Rousseau. La Ménagerie du Major

 

« Aimer une femme aussi passionnément que j’aimais mon épouse, et la tenir dans ses bras tandis que s’opère graduellement le dernier grand changement de la vie ; sentir les battements du cœur s’affaiblir, voir les derniers souffles haletants, regarder dans les yeux qui se fermeront bientôt pour toujours, et lire en eux l’amour qu’ils voient à leur tour dans les vôtres, sont les plus tristes de nos devoirs aux mourants. Mais quelle angoisse terrible, lorsque les yeux sont figés dans un regard idiot, leur lueur éteinte pour toujours, et l’être aimé, inconscient de votre douleur ahurissante, de votre amour piteux et inutile, est libéré par la Mort de sa vie malheureuse ! »

Amelia Shackelford. L’Âme de la Momie

 

« Je m’approchai du lit, mais un pouvoir irrésistible m’empêcha de l’atteindre, et une étrange sensation m’envahit alors. Je n’éprouvais plus le moindre désir de résister à l’influence qui, de toute évidence, me dictait toutes mes actions. Je traversai la pièce d’un pas vif, pressai le bouton de la porte centrale, l’ouvris comme je l’avais fait la nuit précédente, me retrouvai sur le seuil du petit salon et découvris à nouveau le regard fixe et décidé de Louisa Enderby. Comme la nuit précédente, elle se tenait debout devant la cheminée ; elle portait sa robe de velours noir et le diamant brillait dans ses cheveux. Lorsqu’elle me vit, l’ombre d’un sourire para un instant son visage puis s’évanouit. Je remarquai qu’elle avait les traits tirés, comme en proie à une souffrance mentale – une curieuse lueur éclairait ses étranges yeux glauques. »

L. T. Meade & C. Halifax. La Chambre Lambrissée

 

jeudi 27 juin 2024

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : EXCURSIONS EN ANCIENNE AMERIQUE, H.P. Lovecraft

 


Tout à fait original que ce nouveau travail d’Angouillat, Excursions en Ancienne Amérique (Saint Jacques 2023), traductions parfois inédites de textes sur les voyages de l’auteur de 1926 à 1929. Une sorte de précis de géographie historique qu’il est bon de lire avec un vieil Atlas sous la main. « Voyages dans les Provinces de l’Amérique » est un livre à lui seul. Un trouvera un autre « monument », « Observations sur plusieurs parties de l’Amérique », puis ses premières impressions sur le Vermont e le récit de son exploration de demeures anciennes. Le tout est assez roboratif, mais c’est un magnifique témoignage de l’amour porté par l’auteur à son pays et sa nostalgie d’une époque perdue où il aurait été un sujet de sa majesté. On relèvera aussi quelques petites bouffées de racisme que Lovecraft ne pourra se retenir de lâcher, avec de commentaires odieux comme : Piermont, un port fluvial adjacent à Sparkhill, abrite une vaste colonie de noirs et autorise de ce fait une sinistre étude de la décadence !

 

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LOVECRAFT PAR LUI-MEME

 


V.P. Angouillant se livre cette fois, dans Lovecraft par lui-même (ou Lovecraft le Maître de Vie) (Saint-Jacques 2024) à un travail similaire à celui de Jacly Ferjault in « Moi, HPL », à savoir retracer la vie de l’auteur au travers de sa colossale correspondance. Mais avec une différence de taille, ; alors que le travail de Ferjault était chronologique, ce dernier est thématique ave des entrées amusants, sur la gastronomie ou les français par exemple. Angouillat insiste sur le fait que beaucoup de ses traductions sont inédites. Difficile de juger, mais il faut bien admettre que beaucoup de textes sont connus des plus fins des lovecraftologues ! Ce qui n’empêche l’ensemble d’être agréable à lire, d’autant plus que l’arrangeur des textes fait preuve d’un esprit critique plein d’humour.

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : MON TRAVAIL N'EST PAS TERMINE, Thomas Ligotti

 


Thomas Ligotti est souvent considéré comme l’un des « grands » continuateurs de Lovecraft en Amérique. Peu de ses livres ont été traduits en français (cf 2017). Aussi faut-il saluer la publication chez Monts Métallifères (2023) de Mon travail n’est pas terminé, un recueil de plusieurs nouvelles qui cherchent à nous montrer que « l’horreur cosmique » peut envahir un milieu où on ne l’attend pas à priori, celui de l’entreprise. Et cette horreur se développe généreusement sur le terreau de l’absurdité administrative et des rivalités mesquines jusqu’à atteindre un niveau insoutenable. Ce qui fait de ces récits de véritables petites perles qui nous font toucher le plus sombre de l’âme humaine, celle du mal absolu. Ses descriptions de la vie de bureau de l’employé standard pourraient prêter à sourire si elles n’avaient pas un petit parfum de réalité honteuse. Au fait, qu’est-ce qu’on fabrique ici ? Personne ne le sait plus exactement, accaparé qu’il est par le classement de notes, le rangement de dossiers, la compilation de notes, le tout bien sûr dans le cadre d’horaires qui ont depuis longtemps perdu tout rythme humain.

NICOLAS de LEON REPREND SU SERVICE

 


LES CHRONIQUES D'EL'BIB : RANDOLPH CARTER, Treins & Ukropina

   


Belle idée que celle de Simon Treins et Jovan Ukropina que de compléter la biographie de Randolph Carter. Avec « La Ville sans nom » (tome 1, Soleil 2024) on va enfin savoir ce qu’il est devenu entre sa participation à la bataille de la Somme, en 1916, comme légionnaire étranger et sa réapparition en 1919 aux environs de Boston (Le Témoignage de Randolph Carter). Et ce n’est pas triste. Son grand-oncle lui aurait confié d’indicibles secrets et une médaille monstrueuse, découverte lors des travaux d’aménagement du métro de New-York. Tout cela le mettra sur les traces d’une étrange secte rendant un culte mystérieux à une créature indicible, parfois blottie au fond des eaux, parfois cachée dans le désert. Le trait est magnifique et les décors du Moyen-Orient sont particulièrement bien rendus. On sera par ailleurs ravi d’apprendre qu’Ambrose Bierce joue un rôle non négligeable dans cette saga.