Belle surprise que Le Livre du Venin dû aux plumes finlandaises de Panu Petteri Höglund
et Albert Kivinen (Onslaught Press 2016). Ce recueil nous prouve que la fiction
lovecraftienne n’a pas toujours la consistance d’un plat de nouilles
réchauffées et peut apporter une fraîcheur originale. La force de ces fictions
est en effet de nous faire plonger dans les vieilles traditions irlandaises ou
finnoises et d’y mettre en évidence, avec érudition, la trace des Grands
Anciens. On y découvrira Le Livre du
Venin, « An Chuitilíocht », qui serait à l’origine du Necronomicon,
un livre qui a cependant la particularité de s’adapter au lecteur dont il
épouse la langue ! On arpentera les rues de Ikaalinen, sorte d’Innsmouth
finnoise, avec son île maudite de Ruutinkari où sévissait le vieux Rolkuwén
suspecté de sorcellerie. L’enquête menée par le narrateur en compagnie d’un
universitaire versé dans le folklore et l’occultisme les mettra sur la piste de
sombres rituels d’invocation de Tsathoggua. Le recueil se termine par une
petite perle « Paappana ou la musique d’Erkki Santanen », hommage
comme on l’aura deviné au cher Erich Zann. On y voit un jeune musicien sombrer
dans la folie et disparaître. Ses amis découvriront, dans le sous-sol de l’entrepôt
où son groupe se produisait un rideau bleu, ouvrant sur l’infini.
Un extrait du Livre du Venin
Cuitiliù est l’ainé des Grands Anciens, et même s’il est mort, ce n’est
pas d’une mort permanente qui l’empêcherait de se lever à nouveau, et Il
reviendra lorsque les antiques étoiles seront à la bonne place.
Étudiez la surface de l’eau, Lecteur, et ne croyez pas que l’humanité
puisse avoir connaissance des êtres et des monstres qui vivent en dessous, dans
ce monde humide et froid. En vérité, depuis l’aube des temps sur la surface de
la terre, des tribus ont lutté pour survivre, là, en bas, des tribus dont seuls
les plus vieux des pécheurs ont vaguement entendu parler, en des termes dont
ils ne se souviennent pas bien, et c’est mieux ainsi pour la paix de leur âme.
Quand on rentre dans une de ces cités, on voit les maisons les plus
éloignées tout près de soi, et on reconnaît à peine les plus proches, aussi
petites qu’elles puissent vous sembler, et quand on tend la main, on pense être
à l’intérieur alors qu’on est à l’extérieur, et la lumière elle-même se plie et
se tord…
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