L’Anti-terre
L’Anti-terre de Jean-Pierre Laigle. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Jean-Pierre Laigle, pseudonyme Rémi Maure, est un spécialiste reconnu de la science-fiction et un écrivain atypique.
Après un volume consacré aux Planètes Pilleuses, publié en 2013 chez le même éditeur, il traite ici de plusieurs thèmes mystérieux abordés par la SF.
Le
concept d’Anti-Terre apparaît avec le pythagoricien Philolaos de
Crotone. L’Anti-Terre vient compléter la décade de sphères : Ciel étoilé
– Soleil, Mercure, Vénus, Terre, Lune, Mars, Jupiter, Saturne. On sait
l’importance du 10 dans le pythagorisme avec la fameuse Tetracktys.
Cette idée fut spécifiquement pythagoricienne. Au XIXème siècle, elle
connut une deuxième vie aussi bien avec les occultistes qu’avec les
auteurs de science-fiction.
Jean-Pierre Laigle rend compte de la dynamique du thème au sein de la SF depuis From World to World en 1896. Le thème permet d’introduire des réflexions fort diverses, des questionnements sociétaux ou des critiques sociales :
« Rétrospectivement,
nous dit l’auteur, l’Anti-Terre apparaît aussi impossible que
fascinante. Les philosophes, les occultistes et les astronomes ne
l’ont-ils jamais prise au sérieux ? Reste la fiction. C’est d’abord un
lieu commun où placer une utopie, comme jadis une île ou une contrée
inconnue. Ainsi D.L Stump y transpose-t-il son Amérique idéalisée, S.
Béliaev un socialisme accompli, de même que dans une certaine mesure P.
Capon au début de sa trilogie, H.T. Flensborg une société qui a résolu
ses problèmes les plus graves dans son premier roman et l’équipe
hétéroclite de The power of Warlock le concept mystique d’une
humanité bénéficiant in fine d’une rédemption du péché originel et
peut-être plus réussie que sur son modèle terrien. »
Jean-Pierre
Laigle ne traite pas seulement des Anti-Terres dans ce livre mais aussi
d’autres curiosités de la SF : la vie dans la haute-atmosphère, les
allumeurs d’étoiles, les autres mondes concaves selon Edmund Halley et
quelques épigones, enfin Vulcain, le mythique monde inframercurien. Tout
ceci est aussi passionnant qu’étrange.
Face
à la peur de l’extinction du Soleil, divers auteurs ont imaginé des
secouristes en tout genre capables d’allumer les étoiles ou de les
sauver. Si les solutions proposées font l’éloge de la science,
Jean-Pierre Laigle remarque parfois les signes d’une mystique solaire ou
stellaire.
Le
mythe vulcanien fut d’abord scientifique, fruit des propositions
d’Urbain Le Verrier (1811 – 1877) pour expliquer alors les anomalies
observées dans l’activité de Mercure. En 1802, un précurseur de la SF,
Nicolas Anne Edme Restif de la Bretonne (1734 – 1806) publie les
aventures extraordinaires du duc Multipliandre. Ce dernier explore
plusieurs planètes inframercurielles non sans, là aussi, quelques
éléments de mystique solaire. Plus tard, la SF anglo-saxonne développa
les possibilités vulcaniennes avec des auteurs comme Roman Frederick
Starzl, Leslie Frances Silberberg, John Russell Fearn ou Clifton Bryan
Kruse. Jean-Pierre Laigle aurait souhaité des développements de
meilleurs qualités que ceux produits, toutefois il reconnaît l’intérêt
de ses écrits d’un point de vue analytique.
Cette
contribution de grande qualité par un auteur érudit intéressera bien
entendu les lecteurs de SF mais aussi plus largement ceux qui
recherchent dans la littérature, populaire ou non, des marqueurs de
l’évolution de la pensée et de notre rapport au monde.
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