2012 sera-t-elle l'année de la crise et de la grande récession? De
la fin de l'euro? De l'éclatement de l'Europe? Vous n'y êtes pas: ce que
l'on nous promet en cette veille de (dernier) réveillon, c'est tout
bonnement la fin du monde!
Vous voulez un indice? Près des bords
de la Tamise, ils sont une centaine à faire la queue dans le froid
humide de l'hiver londonien. Alors que la majorité des touristes courent
les boutiques dans l'espoir de trouver la bonne affaire chez Harrod's,
eux, l'air grave, attendent l'ouverture des portes devant la Tate
Britain. Juste au-dessus de leur tête se découpe en grandes lettres
violettes l'intitulé de l'exposition en cours: «Apocalypse». En fond
émerge le chaos d'un tableau de John Martin. Artiste controversé du XIXe
siècle, il consacra une grande partie de son temps à peindre des scènes
de fin du monde. Cataclysmes bibliques, destruction de Sodome et
Gomorrhe, déluges, éruptions, tremblements de terre et orages
apocalyptiques, rien n'échappait aux pinceaux vengeurs de John Martin.
Ce maître de la peinture catastrophe, moqué par la critique, rencontra
un grand succès populaire. Avec un opportunisme à peine voilé, la Tate
Britain a décidé de le remettre au goût du jour. «Apocalypse is coming»,
titre la vidéo promotionnelle de l'exposition, qui enregistre des
records d'entrées pour un peintre tout de même assez mineur.
Le peintre John Martin a imaginé la fin du monde. (Crédits photo: TATE)
Eh
oui! L'Apocalypse risque de s'imposer comme la tendance de l'année à
venir. Si vous ne le savez pas encore, 2012 va mal se terminer, à en
croire moult ouvrages et magazines, émissions télévisées, documentaires
ou sites internet. Attention, rien à voir avec la fin de l'argent facile
payé par
la dette,
ou la disparition de l'euro que prédisent des émissaires bien
informés... Non, il s'agit d'un événement qui va tout simplement marquer
la fin de l'Histoire. J'entends d'ici les ricaneurs: «Le politologue
américain Francis Fukuyama nous a déjà fait le coup au début des
années90, et Hegel avant lui!», murmurent-ils. Pour Fukuyama, la chute
du mur de Berlin symbolisait le début d'une conscience démocratique
universelle et la fin des conflits idéologiques. Il ne connaissait pas
Eva Joly, cela explique sans doute son erreur, voilà tout.
L'Apocalypse
de 2012 n'a rien à voir avec cela: il s'agit de prédictions d'une
«vraie» fin du monde à la John Martin, gravée dans la pierre depuis des
siècles, révélée par la conjonction des planètes et une accumulation de
phénomènes que des civilisations disparues ont devinés. De multiples
signes annonciateurs, type catastrophes naturelles, et des coïncidences
troublantes prouveraient que cette année 2012 ne sera pas une année
comme les autres. Du sérieux. Enfin presque...
En fait, ces
prédictions d'Apocalypse sont aussi diverses que variées et s'accordent
sur peu de choses. La première au top 50 des fins du monde repose sur
une prédiction qui nous viendrait des Mayas. Cette civilisation
méso-américaine était hautement évoluée, même si elle avait la fâcheuse
habitude de sacrifier au dieu Soleil ses enfants dans un bain de sang.
Personne n'est parfait. Les Mayas avaient notamment inventé un
calendrier comptabilisant des cycles d'environ 23.000 ans. Or, ce
calendrier s'arrête brusquement... le 21 décembre 2012.
Cruel dilemme pour les prochaines fêtes de fin d'année
Voyons
d'abord le côté positif: ces sympathiques Mayas n'ont-ils pas eu
l'élégance de nous laisser presque toute l'année pour en profiter
pleinement? Ensuite, à écouter certains chamans, dont le plus
médiatique, Barbara Hand Clow, vend des livres dans le monde entier sur
le sujet depuis des années, il faudrait plutôt parler de fin d'«un»
monde, plutôt que de fin «du» monde. Egoïstement, on aimerait demander à
cette chère Barbara s'il sera utile de prévoir ses cadeaux de Noël pour
le 25 décembre 2012? Mais Barbara Hand Clow a d'autres préoccupations.
L'humanité va accéder à «une conscience cosmique» dans une nouvelle ère
pour la Terre, voire l'Univers. Autant dire que Barbara ne s'attache pas
à quelque tsunami ou avalanche, inévitables dans ce genre de maelstrom
énergétique où se choqueront pas moins de neuf dimensions! Conclusion,
il faudra vous débrouiller seul pour résoudre un cruel dilemme pour les
prochaines fêtes de fin d'année: réserver un chalet à la montagne, ou
ouvrir votre résidence secondaire sur les côtes bretonnes.
La
vision de Barbara Hand Clow est assez contestée. Passons sur les basses
attaques concernant ses origines -elle n'est pas maya mais cherokee-,
pour s'attacher aux dates. La fin du monde maya aurait en fait lieu le
12 décembre 2012 selon certains «érudits»: c'est plus propre
mathématiquement (12/12/12) même si l'idée d'en terminer le 21, jour du
solstice d'hiver, était symboliquement assez forte. D'autres ont évoqué
une erreur de calcul. En fait, l'Apocalypse a déjà eu lieu... le 28
octobre 2011! Cherchez l'erreur.
Plus sérieusement, des
archéologues mexicains ont prouvé que les Mayas imaginaient un monde
après le 21 décembre 2012. Une stèle découverte au sud-est du Mexique
mentionne l'anniversaire d'un notable maya en 4772 de notre ère. Enfin,
en exhumant le texte sur lequel s'appuie toute cette théorie, on peut
s'interroger sur son interprétation: «Cela sera complété avec le
13eBaktun, C'est 4Ajaw 3Kankin et il se produira une apparition. C'est
la représentation de Bolon Yokte dans une grande investiture», dit la
prédiction originelle. Assez loin de: «Réglez les affaires courantes,
car tout va péter le 21décembre!»
Une inquiétante conjonction des planètes
Aux Etats-Unis, c'est le blockbuster
2012,
de Roland Emmerich (10€ en DVD), qui a popularisé cette prédiction maya
en s'inspirant du best-seller de l'écrivain de science-fiction Steve
Alten, vendu à plusieurs millions d'exemplaires. Il apparaît que les
sites internet évoquant l'Apocalypse de 2012 s'inspirent plutôt du
scénario hollywoodien que des vraies prédictions mayas. Erreurs sur les
dates et mélange des genres, tout cela ne tarit pas pour autant
l'engouement sur le sujet. Internet est en ébullition, opposant propos
plus ou moins sérieux et délires ésotériques sur des sites aux noms
évocateurs (findumonde.com, 2012endoftheworld.net, 2012fin.com...)
Certains sites affichent même un compte à rebours qui égrène les jours,
les heures et les secondes nous séparant de l'instant fatidique.
La
pseudo-théorie maya n'étant pas toujours suffisante pour se convaincre
d'une apocalypse imminente, d'autres «esprits éclairés» sont allés
chercher des coïncidences troublantes dans les mythologies des Indiens
sioux et hopis, un code secret de la Bible, le Yijing chinois, ou la
civilisation sumérienne. A chaque fois, suivant une logique implacable
depuis la nuit des temps, la Terre périt par le feu du ciel.
L'hypothèse
qu'un astéroïde, une comète ou même une planète vienne fracasser notre
Terre n'est pas nouvelle. N'est-ce pas un astéroïde qui aurait signé
l'extinction des dinosaures? L'histoire de Nibiru est à ce titre assez
intéressante. Dans les écrits sumériens décryptés depuis quelques
années, apparaît une planète dont l'orbite longue et elliptique dure
3.600 ans. Cinq fois plus grosse que la Terre, Nibiru aurait déjà frôlé
notre planète, déplaçant son orbite derrière Mars et laissant quelques
«cailloux» au passage, dont la Lune. L'écrivain russe Zecharia Sitchin,
qui décryptait le sumérien et décéda en 2010, pensait que Nibiru
passerait à nouveau près de la Terre vers 2085. Un certain Mark
Hazlewood affirmait, quant à lui, que la Nasa avait détecté Nibiru en
1983. Appelée Planète X, elle devait, toujours selon Hazlewood, croiser
la Terre autour de 2003 en entraînant de grands cataclysmes. C'est raté.
Depuis, on entend beaucoup moins parler de Mark Hazlewood. En revanche,
l'idée que Nibiru surgisse à la fin de l'année 2012 fait son chemin,
sans la moindre preuve scientifique, bien entendu, mais en s'inspirant
peut-être du beau film Melancholia, où Lars von Trier pose comme toile
de fond de son histoire le choc imminent d'une planète avec la Terre.
Bugarach, dans les Corbières. Crédits photo : © Jean Philippe Arles / Reuters/REUTERS
Un
autre phénomène inquiète considérablement nos prédicateurs
d'Apocalypse: il s'agit de la conjonction des planètes. Si elle
influence nos horoscopes, il n'y a pas de raison qu'elle ne joue aucun
rôle dans la fin du monde, non? Et, justement, des ésotéristes
convaincus annoncent en tremblant que le 21 décembre 2012, la Terre, le
Soleil et le centre de la galaxie seront parfaitement alignés. Cela est
d'autant plus inquiétant, disent-ils, que cela arrive tous les 26.000
ans, durée du calendrier maya. Première erreur, le calendrier maya ne
compte pas 26.000 ans, mais plutôt 23.000, comme nous l'avons vu. Ce qui
est faux également, c'est la périodicité de cette conjonction entre le
Soleil, la Terre et le centre de la galaxie. En fait, l'alignement a
lieu tranquillement chaque année, sans que les pôles (dont les
prédicateurs craignent l'inversion, entraînant un effacement de la
surface de la planète) ne s'en émeuvent pas plus que cela.
Des extraterrestres sous le pic de Bugarach
Voilà
pour quelques-unes de ces prédictions auxquelles astronomes,
physiciens, historiens ou archéologues tentent sereinement de tordre le
cou. L'ampleur du travail est énorme car ces hypothèses apocalyptiques
iront certainement en s'amplifiant jusqu'au matin du 22 décembre 2012.
Pour ceux qui auraient encore un doute, ils peuvent toujours tenter
d'organiser un séjour de fin d'année dans le village désormais
mondialement connu de Bugarach, dans les Corbières. Ce site sera le seul
endroit épargné par l'Apocalypse, soutiennent des gourous de tout poil.
Pourquoi?
Parce que sous le pic de Bugarach se cache une base d'extraterrestres,
justement ceux qui ont transmis leur savoir aux Sumériens. L'armée le
sait et surveille l'endroit. Les grands de ce monde sont aussi au
courant. Ils ont construit des villes souterraines bourrées de
nourriture dans des lieux tenus secrets. Pourquoi n'ont-ils pas plutôt
acheté une résidence secondaire à Bugarach, cela reste un mystère. Une
chose est sûre: la science continuera d'avancer, y compris en 2012, même
si l'imagination de l'homme n'a pas l'intention de reculer. Pour le
meilleur et pour le pire.
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