mardi 18 mai 2021

LES CHRONIQUES D'EL'BIB : LE RECUEIL, Steve S.

 


 

Magnifique réalisation que Le Recueil de Steve S., une autoédition Ulule (2021) avec couverture cartonnée, illustrations couleur d’Arnaud Lebourg, le tout livré avec les sympathiques goodies d’usage (photos, cartes…). L’auteur nous propose dans cet écrin 8 nouvelles qui, sans révolutionner le Mythe, lui donne des dimensions intéressantes.

 

Dans la Bractéate d’Or, une jeune militante féministe, pourchassée par la police, s’enfuit se réfugier chez son frère qu’elle découvre « suicidé ». Nous sommes en 1910 à Londres. Elle trouve dans ses affaires une mystérieuse médaille représentant un monstre marin et portant d’étranges écritures. Il y a également un petit mot faisant allusion à la localité de Tynemouth et à un monastère qui lui rappelle son enfance d’orpheline. Elle réussit à éviter les forces de l’ordre et rejoint la petite ville côtière où elle se fait conduire sur l’îlot de Nar’Vair. C’est là que se situe le monastère où elle espère trouver asile. Les moines (des deux sexes) ont tous des difformités physiques repoussantes mais accueillent volontiers la fugitive. Celle-ci sera « affectée » à la Bibliothèque pour « parfaire » son éducation. Et on lui remettra toute une série de documents anciens et un ouvrage troublant, Le Culte de Dagon. Elle perdra toute notion du temps, cherchant à comprendre les invocations aux Grands Anciens que recèle le livre alors que son corps se transforme lentement. Elle reviendra à la réalité en 1935, l’îlot étant menacé de destruction par un cuirassé allemand. Elle entraînera ses compagnons dans les sous-sols où se trouve un petit lac, et tous plongeront dans les profondeurs pour rejoindre la fabuleuse cité de Yah-Nlhlei, sans oublier au passage de faire sauter le navire ennemi.

 

Le Signe des Anciens nous fait revenir à l’époque contemporaine où un employé d’assurances, Natthan, parti en voyage d’affaires au Moyen-Orient, voit son avion pris en otage par des terroristes. Scratch en plein désert. Les survivants seront parqués dans un baraquement dont Natthan et son voisin de cabine, Hervé, parviendront à s’échapper. Alors qu’on les recherche, Hervé dissimulera dans une anfractuosité de rocher un manuscrit manifestement précieux. Natthan sera récupéré par une jeune indigène portant l’uniforme et conduit chez un vieil indigène. On le forcera, malgré l’insécurité des lieux, à aller récupérer les feuillets et il sera conduit dans une cave afin de déchiffrer avec l’ermite les invocations à Ceux du Dehors. La chute est atroce et Cthulhu ne pourra s’empêcher de glisser un petit tentacule lors du chaos final.

 

L’Hôtel est une courte nouvelle mettant en scène un voyageur de commerce américain faisant escale pour la nuit dans un motel glauque. Il est accueilli par une ravissante soubrette qui n’est manifestement pas insensible à son charme. Elle le prévient que la nuit sera bruyante et qu’il y aura beaucoup de musique. Et de fait, il découvrira la cour noire de monde en train de danser autour d’une forme sombre alors que la serveuse, allongée sur une dalle, subit de monstrueuses transformations. On aura évidemment deviné ici la présence du sympathique Nyarlatothep !

 

Il faut vraiment être un expert en r’lyeien, duriac ou aklo pour trouver un nom pareil : Nakna-Uhuksun, titre d’une longue nouvelle et monstre tellement redoutable que Daniel Harms refusera de lui consacrer une entrée dans son Encyclopedia Cthulhuiana ! Une femme qui n’a pas froid aux yeux, Julia, ex militaire, monte une expédition pirate pour aller rechercher sa fille Paula, en mission scientifique ultra-secrète. Elle est chargée d’étudier une météorite mystérieuse qui vient de s’écraser. Le sujet est en effet tellement sensible que la mère craint que sa fille ne soit enlevée par les Russes pour faire main basse sur ses recherches. Mais ce ne sont pas les buveurs de vodka qui vont menacer les aventuriers qui arrivent en hélicoptère, mais une étrange brume qui transforme les animaux en monstres et qui détruit l’équipage de façon atroce : les corps sanguinolents sont littéralement mélangés pour façonner de nouvelles créatures abominables. Seul un membre de l’équipage survivra et finira par retrouver Paula dans un camp de nomade avec un coffret contenant la pierre venue d’ailleurs. Une pierre qui pense, qui communique avec la jeune fille qui succombe à son charme, eu égard aux connaissances inouïes qu’elle partage avec elle. La chute, que je ne spoilerai pas, est d’un niveau qui ferait honte aux meilleurs « Gore » de la collection du Fleuve Noir. Bravo l’artiste qui a su rebondir brillamment sur « The Thing »...

 

Dans La Caverne, nouvelle très courte, l’auteur fait passer de vie à trépas un groupe d’explorateurs au fond d’une caverne dans laquelle se trouve un masque mystérieux. On ne connaîtra pas le doux nom de la créature.

 

Le sapin sur la colline nous est présenté par l’auteur comme un bonus « non lovecraftien ». Un texte magnifique qui se situe dans un monde post-apo qui vit ses derniers moments. Un couple, dont la femme est gravement malade, décide d’aller se réfugier en haut d’une colline où se trouve un sapin qui a caché leurs premiers amours. La terre est gelée, la neige épaisse, mais la nature, comme par magie, tente de les aider dans leur ultime pèlerinage. Les loups notamment les soutiendront et veilleront jusqu’à leur dernier souffle.

 

J’ai beaucoup aimé ce recueil. L’écriture est nerveuse et chaque petite pièce a un parfum sympathique de thriller. Le traitement de l’horreur cosmique n’est pas vraiment lovecraftienne, car l’auteur ne se donne pas la peine de suggérer ; non, il va droit au but et nous livre des descriptions de carnages en dolby stéréo ! Il ne cherche pas non plus à s’appuyer sur une métaphysique du Néant, même si on comprend vite que ses créatures viennent d’un infini insondable pour en découdre avec l’humanité. Mais tout cela fonctionne plutôt bien.


1 commentaire:

Steve S. a dit…

Cher Philippe, je vous adresse mes plus sincères remerciements.