On
peut trouver sur YouTube un document assez exceptionnel (et en français),
signé Kevin MacLeod, La Mythologie de Lovecraft, Cosmogonie et Bestiaire
(Mythoscopia, 2020).
Mythologie HPL
Présentation :
Howard
Phillips LOVECRAFT, auteur de récits horrifiques, fantastiques et de science-fiction,
est le créateur d'une riche mythologie nourrie par les textes d'Hésiode et les
mythologies antiques. Ses entités extra-terrestres fictives sont considérées
par les faibles humains de ses nouvelles comme des dieux qu'il faut vénérer et
surtout craindre. Étudions la cosmogonie et le bestiaire constitutifs de cet
univers cosmique et matérialiste. Que ce soit Azathoth, Yog Sothoth,
Nyarlathotep, Shub Niggurat ou Cthulhu, ces créatures titanesques sont l'écho
de concepts récurrents dans les mythologies et l'approche du monstre dans sa
globalité. Subjectivité, pouvoir d'évocation et usage de la science sont les
outils utilisés par Lovecraft pour ainsi bâtir ce que l'on nomme le Mythe de
Cthulhu.
Ce
type d’étude a été effectuée des centaines de fois, mais ces travaux sont en
général pollués par le besoin de trouver une architecture cohérente et par la
volonté de donner une explication manichéenne à la construction lovecraftienne.
Ici, on revient aux écrits-sources, balayant d’un revers de manche toutes les
interprétations derlethiennes (et post). L’auteur montre bien que la notion de
Panthéon n’existe pas dans l’œuvre et que Lovecraft a suscité au gré de sa
fantaisie toute une série de créatures sans chercher à l’origine de liaisons
entre elles. Il met aussi en évidence une confusion facilement faite, celle qui
reviendrait à assimiler systématiquement les créatures à des divinités. Il est
amusant de noter, que par jeu avec l’un de ses correspondants (J.F. Norton),
Lovecraft a essayé de dresser une typologie de ses créations. Ce document, qui
date de 1933, montre bien la « confusion » qui régnait dans l’esprit
du Prince Noir de Providence. Il y mélange joyeusement des créatures
extra-terrestres et des Anciens Dieux, il y injecte des clins d’œil à ses amis
(Hyppolite le Sorcier, ancêtre de C.A. Smith) et se réfère à l’Ein-Soph de la
Kabbale (l’Obscurité, la Brume sans Nom).
L’auteur
de la vidéo reprend l’exégèse en se basant sur ce dernier Néant Absolu dont
toutes choses procèdent. Mais il n’est pas facile de garder un fil logique dans
la démonstration. Les créatures de Lovecraft, connues sous le terme de Grands
Anciens, sont d’origine extraterrestre (mais qui les a créées ?).
Elles ont colonisé la terre et engendré les hommes, pour les nourrir ou les
servir. Mais elles ont abusé de magie noire et ont été exilées, au fond de l’espace
ou des océans (on suppose par Les Anciens Dieux ou Elder Ones). Elles attendent
qu’un poète, un rêveur, un sorcier tente de les réveiller. Le plus célèbre est
bien évidemment Cthulhu qui réside dans sa cité marine de R’Lyeh. Il est
adoré par les Profonds, créatures mi-humaines, mi-poissons. On trouve également Dagon, monstre
marin à l’origine des écrits lovecraftiens avant de devenir un Grand Ancien. Même
si ce n’est pas un Dieu, il est adoré par la secte dite de l’Ordre Ésotérique
de Dagon sis à Innsmouth. L’enquêteur, au sujet de la notion de Dieu, insiste
sur le fait que ce sont les hommes qui leur ont conféré le statut divin, faute
d’avoir une vraie compréhension de leur nature. Dagon est le père des Profonds
et a pour compagne mère Hydra.
On
passe ensuite aux Autres Dieux, créatures originelles. A l’origine de
tout figure Azathoth, qui nous est présenté comme « non
interventionniste et dépourvu de conscience ». C’est aussi le « chaos
nucléaire », à l’origine du Big Bang. Il est accompagné par Yog Sothoth
qui serait son fils, et qui, lui, est omniscient. On trouve également Nyarlathotep,
serviteur et messager des deux premiers. Il est également l’intermédiaire avec
les humains. Shub-Niggurath est le bouc des sorcières, une autre forme
de Pan. Soulignons que le chercheur, et ce n’est pas le moins intéressant de
son travail, essaie toujours de trouver un lien entre les créatures
lovecraftiennes et les divinités de l’antiquité. On citera encore Nodens,
le seigneur du grand abîme. Il est, à l’instar d’Hypnos, celui qui
protège l’homme des Grands Anciens dont il est l’ennemi. Il est aussi le maître
des maigres bêtes de la nuit. Il fait immanquablement penser à Zeus ou à Yavhé.
L’étude
revient ensuite sur les Elder Ones ou Choses Très Anciennes,
créatures hybrides animal/végétal en forme de tonneaux. Ce sont les premiers
occupants de la terre arrivés il y a environ 1 milliard d’années.. Ils
ont créé les shoggoths, pour les nourrir et les servir, puis l’homme.
Les shoggoths se sont rebellés contre eux. On rencontre aussi La Grande Race
de de Yith, des extraterrestres qui se projettes dans l’esprit des
créatures intelligentes pour prendre leurs connaissances, les étudier et les
consigner. Ils sont rentrés en conflit avec les Polypes Volants, apparus
sur Terre il y a 600 millions d’années. Ils on pris la place de leurs
prédécesseurs.
Lovecraft
évoque également les Dieux de la Terre, créatures faibles et délaissées
par les hommes. Ils se sont exilés dans les montagnes et notamment près de
Kaddath dans les Contrées du Rêne. On les entend parfois pleurer la nuit. On
retiendra notamment les noms de Oukranos, Zo-Kalar et Tamash.
Terminons
ici notre tour d’horizon, et admettons encore une fois qu’il est difficile de
mettre un fil logique dans cet ensemble. Le déroulement de l’étude suscite en
effet plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais c’est peut-être ça
la force de notre écrivain fétiche : celle de laisser suffisamment de
place au lecteur pour qu’il puisse continuer de rêver avec lui !
A
titre anecdotique, on trouve dans la typologie de Lovecraft l’Obscurité. Cette
entité redoutable est au cœur du roman de Mariana Henriquez, Notre part de
nuit 2021, cf infra). Je n’ai pas trouvé dans la fiction lovecraftienne de
référence à cette entité. Pas plus du reste qu’à la Brume sans nom.