Sur
les traces de Lovecraft T1 (anthologie, Nestiveqnen, 2017).
Les anthologies néo-lovecraftiennes
continuent de pleuvoir et, après celle de Bragelonne, c’est à Nestiveqnen de poursuivre
le bal. Et il s’agit d’un premier tome.
Arkham
Hélène Duc nous propose, avec La Terreur dans ses Ténèbres une
promenade dans les quartiers mal famés d’Arkham, en compagnie d’un policier qui enquête sur les
disparitions mystérieuses de 8 prostituées. Le coupable, qui ne cherche pas
véritablement à se dissimuler, sera facilement arrêté et expliquera qu’il cherche « de la chair fraîche » pour nourrir un puissant dieu
hyperboréen dont il est devenu l’esclave Atlach-Nacha. La police, le
considérant comme fou, le fera interner alors que le jeune inspecteur décidera
d’aller au
fond des choses. Son expédition dans les sous-sols de la ville lui révélera
maintes horreurs et le mettra en contact avec le monstre, qui, usant de son
charme hypnotique, le chargera de reprendre son approvisionnement.
On notera qu’Altach-Nacha,
immense araignée, est le fils béni du grand Abhoth
Azathoth
Pierre de Beauvillé sait manier l’humour
et nous le prouve avec Le Loch.
Tobias est hanté par une tache noire qui ne cesse de s’étendre sur le tapis de
son appartement de Münich. Son chat l’évite soigneusement, les objets qu’il y
plonge disparaissent sans ressortir en dessous et l’aberration ne cesse de
s’étendre. Les investigations menées avec sa fiancée, un vieux savant russe et
un prêtre ne donneront aucun résultat tangible, la seule évocation de ce
phénomène étant un passage du Necronomicon
où il est dit que « le trou est une manifestation du millénaire
Azathoth, qui ne cessera de grandir pour engloutir la terre, car telle est la
volonté du Chaos ». Tobias déménagera avec ses amis. Le quartier, la
ville, la région, l’Allemagne etc disparaitront tour à tour. Le Conseil de
Sécurité des Nations Unies décidera de lâcher quelques bombes atomiques, sans
aucun effet. Une petite équipe sera envoyée dans l’espace pour tenter de
préserver la race humaine avec de nombreuses archives-témoignages et le Nécronomicon, au cas où
L’ami Serge Rollet nous sert une
petite pièce bien sympathique avec Azathoth
où nous assistons à la mise au point d’un super accélérateur de particules,
aux Etats-Unis, capable de fournir des résultats étonnants, et pourquoi pas de
devenir le Maître du Monde. C’est la raison pour laquelle ce projet est soutenu
par le Président. Il est mené par un savant fou, Thotep, génie de la physique
des particules, mais aussi redoutable occultiste. Une petite équipe, pilotée
par le Dr Armitage, avec Kate, une
savante qui a quitté le projet et son ex, Fred Marsh, journaliste à sensation,
va chercher à déjouer les plans de Thotep. Kate conduira ses acolytes dans le
laboratoire où l’expérience va être tentée, à Innsmouth, où ils tomberont entre
les griffes de l’apprenti démiurge. Celui-ci officie avec un exemplaire du Codex DoSoto, du manuscrit Voynich et du Necronomicon, son but étant d’ouvrir la porte qui libérera
Azathoth. Cela se terminera en carnage, Kate réussissant finalement au prix de
sa vie à repousser Celui du Dehors en brandissant le Necronomicon.
Cthulhu
Les
Démons d’Ynis Mon de Paul Marin Gal obéit à un schéma bien rôdé dans la
fiction lovecraftienne. Deux jeunes archéologues d’Oxford mènent, pour le
compte du musée Pitt River, une
mission au Pays de Galles. Une mission prétexte puisque l’un des protagonistes
est un cultiste à la recherche d’une pierre noire pour invoquer le Grand Ancien
qui sommeille au fond de l’océan. L’expédition se terminera dans un bain de
sang, le cultiste y laissant la vie alors que son coéquipier, poursuivi par les
Créatures d’Innsmouth, rejoint Oxford en catastrophe pour se réfugier chez son
Professeur. Et pourtant, ce texte est très original, l’auteur mettant sa grande
culture gallo-celte au service du Mythe de Cthulhu pour lui donner une couleur
tout à fait intéressante. Les prêtres du Culte de R’Lyeh savaient décidemment
beaucoup de choses à l’ère pré-druidique !
Avec L’Île Hallucinée de Barnett Chevin nous restons dans la néo-lovecrafterie
d’obédience
classique ; on croirait lire du Derleth ! Un jeune homme amoureux de
la mer décide de s’embarquer en
1872 pour une traversée
qui lui permettra de réunir
un petit pécule afin d’épouser sa
fiancée et de fonder une
famille à son retour. Une cargaison mystérieuse, faite d’énormes fûts -
officiellement de l’alcool de contrebande - est embarquée sur le navire, sous
la surveillance d’un personnage bizarre qui va participer au voyage. Il
s’appelle Wilbur Whateley ; son corps est dissimulé sous le lourds
vêtements et son visage caché par un turban. Après quelques jours de traversée
sans histoire, des gargouillis étranges émanent des cales et plusieurs marins,
bravant l’interdiction de visiter ces lieux, sont retrouvés affreusement
déchiquetés. Whateley ne sortant que la nuit, le jeune matelot profite d’une de
ses absences pour visiter sa cabine. Il y découvre de piles de livres bizarres,
dont un certain Necronomicon. Je
n ‘y ai recensé qu’un fatras d’inepties à propos des choses de l’au-delà,
de divinités cosmiques appelées les « Grands Anciens » qui régissent
notre monde ou qui dorment loin de notre civilisation en attendant le moment
opportun pour nous asservir. Un grand tableau représentant un paysage
malsain est accroché au mur, ainsi qu’une gravure consacrée à « l’île sans
nom ». Cette dernière est en fait le véritable but de l’expédition que nos
aventuriers finiront par découvrir et explorer. Elle abrite une cité
cyclopéenne dont les murs sont ornés d’odieuses gravures. Les tonneaux sont
débarqués du navire, libérant des créatures putrescentes qui se répandront dans
la cité. En son centre se dresse un Temple recouvrant un abîme dont on ne peut
localiser le fond. Whateley, manifestement familier des lieux, se mettra à invoquer
Yog-Sothoth, Shub-Niggurath, Nyarlathotep et Cthulhu. Sensible à l’appel, la créature
tentaculaire surgira de sa grotte et le jeune matelot aura tout juste le temps
de se sauver en se précipitant dans la chaloupe du navire.
Par-delà
la mer sans sommeil de Yan Quero relève également de l’orthodoxie lovecraftienne la
plus stricte. Un jeune étudiant en archéologie, James Flaherty, s’inscrit à
l’Université de Miskatonic pour obtenir sa dernière UV. Il est le seul élève du
professeur Gladstone, personnage fantasque qui possède, soigneusement
enveloppée dans un coffret en bois une statue dotée d’étranges pouvoirs. Il ne
fera que l’entrouvrir, plongeant l’étudiant dans une immense cité dans laquelle
il rencontrera une jeune fille ravissante avant qu’elle ne se transforme en
monstre. Le professeur lui explique qu’il a eu une vision de Kadath, la cité
mythique des Grands Anciens, décrite notamment par Lovecraft dans son œuvre. Il
lui parle des temples construits près de Damas à la gloire des Grands Anciens,
informations qu’il a recueillies dans Le Necronomicon d’Abdul Alhazred. C’est
le vestige d’une collection de mythes, de récits et de prières dédiées à des
divinités archaïques dont les noms malgré de multiples variantes,
correspondaient pour sa trinité principale à Cthulhu, Azathoth (dont il ne
fallait jamais prononcer le nom à voix haute) et Yog-Sothoth.
Gladstone possède également un
autre texte, Par-delà le mur sans
sommeil,
dont il n’a pu
effectuer une traduction cohérente. L’étudiant se met à la tâche et y découvre d’histoire du
poète
dément avant la rédaction de son fameux ouvrage. Il s’est rendu en
Chine avec son père, commerçant, plus particulièrement dans la région de X’ian. L’empereur a été assassiné par sa
femme, Wu Zetian, qui organise une expédition vers les îles de l’Est, refuge
des Grands Anciens, qui possè
qui possèderaient le remède lui
permettant de se transformer en homme et d’asseoir son pouvoir. C’est
Nyarlathotep lui-même
qui apportera la précieuse potion avant, pour remerciement, d’être enfermé dans une pyramide
scellée dans la cité aux soldats enterrés. Alhazred passera pour sa part
plusieurs années
en prison
avant de repartir en Arabie dont il rapportera la mystérieuse statuette.
Gladstone confie ensuite à son disciple une
liasse de feuillets anciens qu’il a trouvé dissimulés sous la couverture du Necronomicon. Il s’agit du récit du père jésuite
Alexandro de Cominado, parti en expédition pour découvrir la fabuleuse île de California et évangéliser la Reine des
Amazones. Arrivé sur place après de nombreuses péripéties, le prêtre et ses compagnons
découvrent
une cité cyclopéenne dont ils franchissent les portes de bronze. Ils seront faits
prisonniers par une équipe de cultistes et s’enfuieront péniblement, poursuivis
par les tentacules du monstre marin.
Avec l’aide d’un généreux sponsor, Glastone
montera une expédition pour retrouver les ruines de la cité qu’il suppose être Kadath.
Opération
couronnée de succès, si ce n’est que les membre de l’équipe seront possédés par des « minions » dont ils pomperont
l’esprit et possèderont le corps. James, le temps de la possession, saisira la
problèmatique de ces êtres :
Les
fragments du Necronomicon et des Manuscrits Pnachotiques prenaient sens, bien
au-delà des
laborieuses et pitoyables interprétations qu’en faisaient leurs lecteurs humains.
Je me rappelais, où Cthulhu l’avait
rayé
sur notre planète natale, autour de la première étoile créée après le big-bang. Je voyais
Kadath, la rayonnante cité construite par l’oppression sans pitié de foules esclaves :
Kadath
laNoire ;
Kadath que des millénaires de corruption spirituelle avait mué en temple de la cruauté,
cernés de taudis infinis.
Je me souvenais de notre soleil moribond qu’il avait
fallu quitter lorsqu’après 10 milliards
d’années d’ardeur, ses feux s’étaient éteints. Les Grands Anciens ne
disposaient pas de vaisseaux pour traverser l’espace, mais ils étaient capables
de léviter et de s’enkyster pour franchir le vide sidéral. Nous avions dérivé
entre les amas de galaxies, jusqu’à finir sur cette planète bleue, voilà des
dizaines de millions d’années. Des êtres aux dents acérées contestèrent notre
venue et notre suprématie. Nous étions cependant plus forts et surtout plus
puissants qu’eux. Cthulhu attira vers notre planète d’accueil un astéroïde qui
les extermina. Son erreur ne lui apparut que dans un deuxième temps. En se
fracassant au sol, le météore qui détruisit nos adversaires envoya une quantité
phénoménale de poussière dans l’atmosphère, plongeant la planète dans un hiver
semblant de ne jamais y devoir finir. Nous avions cru revivre. Le froid nous obligea
à nous enkyster de nouveau, sans que nous ayons recouvré suffisamment de force
pour repartir.
Seul James parviendra pourtant à s’échapper
après avoir détruit les « enveloppes corporelles » de ses compagnons
et rejoindra Arkham où il ira fouiller dans le bureau de Gladstone, exhibant la
statuette soigneusement enveloppée. Il sera à nouveau projeté à Kadath et une
nouvelle fois fait prisonnier par Cthulhu. Il ne devra son salut que grâce à
une incantation magique prononcée par Abdul Alhazred.
Laborieux, tout cela…
Quelque chose en pierre de Jean Pascal Martin nous fait partager
une expédition géologique en Sibérie où un trou noir vient de faire son
apparition dans le permafrost. Igor, le chef de la mission, découvrira au fond
du gouffre une pierre taillée recouverte d’étranges inscriptions qu’il
emportera sans en parler à son équipe. De retour à Moscou, il étudiera l’objet
et sera la proie de rêves terrifiants. Ses collègues et notamment son
assistante Anna finiront par s’inquiéter de ne plus le voir au laboratoire et
se rendra à son domicile. Un appartement totalement dévasté mais sans aucune
trace d’Igor. Elle trouvera cependant la
pierre enveloppée d’un papier sur lequel il est écrit : NOUS L’AVONS
RÉVÉILLÉ. Elle prendra l’objet et plongera à son tour dans un univers onirique
dans lequel elle rejoindra Cthulhu.
Sur la mer des ténèbres de Sylwen Norden est une véritable petite
perle qui développe une atmosphère glauque particulièrement prenante. Nous
sommes dans un univers « post » où l’homme a détruit la planète par
la pollution et le crime. Un navire de survivants accoste sur la côte d’une
petite île de Nouvelle-Angleterre, repoussant difficilement à l’aide de petites
étoiles à cinq branches une population de créatures marines repoussantes. Sur
cette île -un ancien bagne- réside un vieil original, Markham, qui mène
inlassablement la guerre contre les Profonds qui ne cessent de gagner du terrain.
Avec l’aide de quelques rescapés et avec son hydravion, il se décide de frapper
la source du mal, le Pic du Diable, îlot rocheux au large d’Innsmouth. Il s’agit
de la partie émergée de R’Lyeh où le Grand Cthulhu se prépare à régner sur son nouvel
empire du mal.
Horreur
Howard
de
Kéti Touche nous entraîne sur les pas de William, jeune photographe américain,
venu faire ses armes dans un manoir anglais situé près d’une falaise et tenu
par la charmante et mystérieuse Armelle Clogwyn. Une créature fantasque,
toujours revêtue d’un châle, et qui a perdu son mari, Howard, lors d’une
terrible tempête. William se gorge des paysages sublimes du domaine et se
laisse chouchouter par la maîtresse de maison qui se révèle de surcroît être
une excellente cuisinière. Howard découvre dans la bibliothèque de sa
chambre-donjon les carnets de voyage de son mari et devine qu’il était sous
l’empreinte maligne de son épouse. Lors d’une nuit d’orage, il aperçoit de sa
fenêtre une femme nue dotée d’une flamboyante chevelure rousse qui semble
psalmodier face aux éléments déchaînés. Une de ses dernières expéditions
photos, à la recherche d’un œil flamboyant qui semble briller entre les rochers
– se terminera de façon dramatique : il sera lui-même surpris par une
tempête d’une violence inouïe. Il sera sauvé par la créature mystérieuse
hurlant « Yorr’e ! Hai Fhtagn ! ». De retour aux USA, il
enverra à Armelle Clogwyn la photo qui a été retenue pour le premier prix d’un
concours : celle d’une femme minuscule qui déambulait sur la côte,
nue !
Un texte très agréable à lire.
Le
Sieur de Cauquemont que nous présente Franck Stevens est une curieuse momie, entreposée
dans un musée improbable, sur laquelle il est demandé au narrateur d’effectuer des
analyses afin d’en déterminer l’origine. Le chercheur opérera les batteries de test
d’usage, dans aucun résultat. La momie semble défier les lois les plus élémentaires
de la physique et se refuse à toute analyse. Il sent de surcroît, à force de côtoyer le cadavre,
d’étranges modifications corporelles se produire sur lui. Il se rendra dans la
chapelle où a été découverte la créature et sera pris de visions terrifiantes
dans la crypte où celle-ci reposait. Il la ramènera sur place et l’incendiera
avec du pétrole.
Innsmouth
Etrange disparition que celle que
nous relate Marie Thuillien dans La
Disparition de James R. Nixon. Il
s’agit d’un avocat de renom dont on perd la trace après qu’il ait acquis à prix
d’or, lors d’une vente aux enchères, un coffret de documents ayant appartenu à
un obscur écrivain du Rhode Island. Les témoignages de ses proches et son
propre journal nous apprennent que l’avocat, hanté par des rêves atroces,
plongeait progressivement dans la folie. Il finira par retourner chez les
siens, sa mère et sa tante, à Innsmouth et disparaîtra définitivement. Les
policiers, aux yeux globuleux et avec des traces de branchies sur le cou retrouveront
son petit coffret rempli de feuillets couverts d’une écriture illisible !
Nazisme
Retour
au Wewelburg de Cyril Durr fait figure d’originalité dans un ensemble
plutôt convenu. L’étude du jeune Werner Hartmann, Ce qui se reflète dans les flasques molles a retenu l’attention du
Reichsfüher Heinrich Himmler, dans la mesure où il évoque la survivance
d’Ancien Dieux qui pourraient, pense le dignitaire nazi, être utilisés à des
fins stratégiques. Il envoie le jeune chercheur à Providence prélever dans l’église
de Federal Hill la pierre à laquelle Lovecraft et Robert Blake ont fait
allusion dans leurs écrits. Un larcin qui le remplit de malaise, le polyèdre
voir le laissant deviner une entité gigantesque et malfaisante dans un décor de
ruines cyclopéennes. Il ramènera la pierre au Wewelsburg, mettant en garde
Himmler contre son pouvoir néfaste. Sans tenir compte de son avis, Himmler ira
la faire déposer sur le site sacré des Externsteine dans
le cœur mystique de la Germanie. Mais au lieu de protéger le Reich, la gemme ne
fera qu’accélérer sa chute !