dimanche 26 février 2023

CONAN DOYLE ET LES POLAIRES

 

Conan Doyle et les Polaires, Bulletin des Polaires no 2/2 1931(suites dans 3/2 1931, 5/2 1931, 6/2 1932, 8/2 1931, 11/02 1931,10/2 1931, 12/2 1931)

 

Conan Doyle s’est éteint le 7 juillet 1930. Le 22 mai 1931, à l’instigation du secrétaire du Mémorial C.D., M ; Bradbrook, s’est tenue une réunion à Londres, afin d’         évoquer le disparu. Participaient à cette manifestation la veuve et les deux fils de l’écrivain. Étaient également présents plusieurs membres de la Fraternité des Polaires, dont Zam Bothiva, auteur de Asia Mysteriosa. La transcription a été publiée dans le bulletin du groupe, une société discrète dont le but est la recherche du Bien. La lutte contre le Mal fait appel à la prière notamment pour tenter d’éviter la guerre qui se profile à l’horizon. Une technique qui n’est pas sans rappeler celle de Dion Fortune[1] en son temps.

La connexion avec le défunt sera laborieuse au début, Conan Doyle n’étant pas encore libéré de toutes ses « coques astrales » qui l’empêchent de prendre totalement son essor vers la félicité. En d’autres termes, lorsqu’on réintègre le Plan Suprême, on perd sa personnalité, on rentre dans la Conscience Impersonnelle, dans l’Essence Créatrice appelée Dieu. Mais subsiste dans le processus la responsabilité personnelle de l’homme et l’une des premières choses qu’il découvre lorsqu’il quitte son corps physique, c’est le monde de sa propre pensée. C’est à un véritable cours de spiritisme auquel on assistera au fil des numéros du Bulletin, les transcripteurs ne conservant que les propos de « doctrine » en passant sous silence les éléments plus personnels (propos destinés à sa femme et à ses enfants ». Il est précisé que le but de ces entretiens est d’obtenir de Conan Doyle la preuve d’une existence après la mort.

Et de fait, Conan Dolyle[2] s’est fortement impliqué dans le spiritualisme. On a du reste coutume de dire que Conan Doyle passa une trentaine d’années dans l’occulte. C’est là une des grandes contradictions de l’auteur qui, de prime abord, affiche un « matérialisme cosmique » que ne renierait pas Lovecraft. Ne fait-il pas dire à Challenger dans La Ceinture Empoisonnée (1913) : « Pour lui, l’homme n’est qu’un « simple accident dans le processus ». C’est comme si l’écume sur la surface de la mer s’imaginait que l’océan était créé pour la produire et la maintenir ; ou comme si une souris dans une cathédrale croyait que la cathédrale avait été édifiée pour lui servir de résidence. »

Malgré son agnosticisme et son grand scepticisme, l’écrivain était pourtant torturé par les choses de l’esprit. Il fera deux passages en Franc-Maçonnerie. En 1887, il est nommé maître maçon à la Phoenix Lodge qu’il quittera en 1889, puis participe de 1902 à 1911 à la loge Mary’s Chapel.

Mais sa véritable « préoccupation » reste « la vie dans l’au-delà ». Conan Doyle pratique activement le spiritisme chez le Général Drayson entre 1885 et 1888, écrit en 1885 The Great Keinplatz Experiment, sur le thème du mesmérisme et des expériences sur le corps astral, adhère en 1891 à la Société de Recherches Psychiques, écrit en 1921 The wanderings of a spiritualist, ouvre une librairie « The Psychic Bookshop » dans le Strand en 1925, publie en 1926 L’Histoire du Spiritualisme. Il traduira également en 1924 l’ouvrage de Léon Denis sur Jeanne d’Arc. Rappelons que  Léon Denis (né à Foug, le 1er janvier 1846, décédé à Tours, le 12 avril 1927) fut un philosophe spirite et, aux côtés de Gabriel Delanne et Camille Flammarion, un des principaux continuateurs du spiritisme après le décès d'Allan Kardec. Il fit des conférences à travers toute l'Europe dans des congrès internationaux spirites et spiritualistes, défendant activement l'idée de la survie de l'âme et ses conséquences dans le domaine de l'éthique dans les relations humaines (wiki).

La sensibilité de Doyle à « l’autre monde » s’explique peut-être parce qu’il avait été profondément affecté par de nombreux décès familiaux (épouse, enfants, jeune frère, tous foudroyés notamment par la pneumonie). Il fera du Pr Challenger un adepte du monde des esprits dans sa dernière aventure (1928, Quand la terre hurla).

Sa seconde femme l’accompagnera dans ses aventures psychiques, d’autant qu’elle semblait avoir des prédispositions en la matière. Lauric Guillaud rapporte :

Le 10 décembre 1922, Jean, l’épouse de Doyle, entre en contact par transes avec un esprit du nom de Pheneas, un scribe chaldéen qui aurait vécu trois mille ans av. J.-C. Ce « guide spirituel » révèle les détails de l’avenir atlantidien du monde moderne. L’humanité sombrerait « dans un abîme de mal et de matérialisme » et des milliers d’esprits malins se préparaient à « causer tremblements de terre et raz-de-marée »[3]. Il appartient à l’Angleterre d’être « le phare de ce monde de ténèbres », « centre vers lequel se tournera le monde entier »[4]. Le message de Pheneas correspond ainsi à celui que livre « La Ceinture empoisonnée », d’autant que Doyle évoque un gaz mortel qui envahirait la terre, mais contre lequel les Élus (les spirites), seraient immunisés, ce qui leur permettrait d’inaugurer un nouvel ordre spirituel[5]. Manifestement, Conan Doyle prend les révélations de Pheneas pour argent comptant (LG).

On lui doit également une contribution sur les « fées de Cottingley » et plus généralement sur l’existence du « Petit Peuple ». Laffaire des fées de Cottingley, fait référence à une célèbre série de cinq photographies prises au début du XXe siècle par Elsie Wright et Frances Griffiths, deux jeunes cousines qui vivent à Cottingley, près de Bradford, dans la région du Yorkshire en Angleterre. Elles montrent les deux filles en compagnie de fées et d’autres créatures du petit peuple. En 1917, lorsque les deux premières photos sont prises, Elsie est âgée de 16 ans et Frances de 10. Ces photos attirent l'attention de Arthur Conan Doyle, qui s'en sert pour illustrer plusieurs articles sur le sujet ainsi qu'un livre, The Coming of the Fairies. Il avait été en effet chargé d'écrire sur le sujet dans l’édition du Strand Magazine pour Noël 1920. Conan Doyle, qui est spiritualiste, se montre enthousiasmé par les photographies et les interprète comme une preuve concrète de la réalité des phénomènes psychiques. La réaction du public est plus mitigée, certains pensent que les images sont authentiques, d'autres estiment qu'elles sont truquées (wiki).



[1] Cf Littératures Maudites 2018 (EODS 2019)

[2] Id ;

[3] Cité par J. L. Meikle, « Over There : A. C. Doyle and Spiritualism », Critical Essays on Sir A. C. Doyle, op. cit., pp. 278-279.

[4] Voir J. McCearney, Arthur Conan Doyle, Paris, La Table Ronde 1988, p. 324.

[5] Voir D. Stashower, Teller of Tales.The Life of A. C. Doyle, op. cit, p. 428.

1 commentaire:

Yves Limoux a dit…

Excellent texte. Rappelons que l'une des photos de Cottingley resterait sans explication.