jeudi 30 juin 2011

BUGARACH, REVENONS SUR TERRE !

Bugarach, revenons sur terre !

Depuis quelques temps, commencent à venir des touristes d’un troisième type, ceux qui croient que le Pic de Bugarach est lié à une date : le 21 décembre 2012…

Bugarach - Laurent Chabaud.jpgLe Pic de Bugarach, à l’image de toute l’étendue des Pyrénées, est sorti de terre il y a 40 millions d’années. L’Afrique est venue se cogner à l’Europe avec une force capable de faire plier les fonds de mers antédiluviens comme des biscottes. Dans le cas d’une partie de la zone nord-pyrénéene, c’est-à-dire des Pyrénées jusqu’à notre montagne d’Alaric, près de Carcassonne, des couches se sont chevauchées et des rochers d’une centaine de milliers d’années antérieures se sont glissés par-dessus les couches « autochtones » plus jeunes. Ainsi est né le Pic de Bugarach, « la montagne inversée », avec sa tête plus vieille que ses pieds… les dinosaures sont déjà éteints et l’Homme est encore loin.

40 millions d’années plus tard, le petit village de Bugarach s’est humblement installé au pied de ce rassurant gardien de la vallée. Même l’église se fait petite, ses bâtisseurs comprenant l’inutilité d’essayer de faire concurrence à ce diable de rocher. Aujourd’hui, les moins de 200 villageois, pour beaucoup venus eux-mêmes d’ailleurs, ont eu l’habitude depuis longtemps de voir passer les curieux de tout bord, attirés par ce gros séducteur en pierre. Des randonneurs prêts à gravir les 1231 mètres par des chemins relativement faciles et même ceux qui souhaitent simplement passer la soirée pour profiter en simultané de tous les feux d’artifices du 14 juillet de la région.

Mais depuis quelques temps, commencent à venir des touristes d’un troisième type, ceux qui croient que le Pic de Bugarach est lié à une date : le 21.12.2012. La date de la fin de notre monde. Certes, sur l’échelle internationale, cette date a été chuchotée depuis longtemps ; c’est la dernière que nous puissions calculer sur le dit « calendrier Maya » trouvé par des archéologues en Amérique centrale. (Voir encadré à gauche). Interprété diversement, comme preuve d’un grand cataclysme ou d’une simple transformation spirituelle « d’un monde », il est depuis peu avancé que le Pic de Bugarach serait un refuge possible pendant ce chamboulement planétaire.

Certes, la proximité du site avec l’énigmatique village de Rennes le Château, a fait s’installer dans la région une population impatiente de voir dévoiler les grands mystères de la vie. Certains ont même produit des films et des livres liant explicitement le Pic à cette date fatidique. Et tout comme à Rennes le Château, il existe une multitude de théories divergentes sur le pourquoi et le comment et sur le mode d’emploi du « bon survivant ». D’autres pensent tout simplement qu’un trésor y est enfouit : le graal, l’arche d’alliance de la Bible, le tombeau du Christ ou de Marie Madeleine ou tout simplement de l’or, tout comme aux deux Rennes. Ils y en a qui essayent de lier le site avec les fameuses excursions de l’Abbé Saunière !

Puis il y a des œuvres de Jules Verne, dont un roman, « Clovis Dardentor », parle d’un Capitaine Bugarach, sans oublier l’autre roman associé dans la même édition, « Face au drapeau » qui décrit une montagne creuse ou réside un savant fou. L’éventuelle « creusitude » de Bugarach revient souvent, surtout parmi des ufologues qui font allusion à une usine de fabrication d’engins spatiaux, dirigée par des extraterrestres qui s’apprêtent à décoller pour rentrer chez eux.

Ensuite, de sombres avocats de l’Apocalypse nous prédisent des bouleversements extrêmes de toutes sortes ; déluge, activité extrême du soleil, guerre nucléaire et même une collision avec une planète ou astéroïde et le Bugarach servirait, soit comme une sorte de Mont Ararat pour l’arche de Noé, soit d’abri nucléaire, soit comme de gare d’aéroport pour un décollage vers Orion.

Enfin, les optimistes, qui avouent que ce moment ne serait qu’une simple période de transition vers un monde meilleur, ou les valeurs humaines et spirituelles primeraient sur l’égoïsme et le matérialisme de nos jours. Une version, certes plus facile à souscrire, mais qui partage avec toutes les autres versions de l’histoire le fait de relever de la fabrication humaine et, il faut le dire, …du royaume de l’imaginaire.
Puisque pour l’ensemble de ces thèses, on n’avance pas la moindre preuve objectivement vérifiable. Pas de traces physiques, pas de documents, pas de témoignages fiables, pas d’appuis scientifiques, pas d’affirmation des pilotes professionnels sur de quelconques interdictions de vol dues au magnétisme, pas d’entrée vers un monde souterrain… bref le vide total en dehors de la parole des conteurs à l’imagination bien fertile.

La NASA (North American Space Agency) sous la pression grandissante du « buzz » Internet, a déjà démenti l’existence d’un quelconque alignement planétaire défavorable, nous rappelant que seul le soleil et la lune ont une incidence sur la vie terrestre. Il est vrai qu’en 2012, comme tous les onze ans, le soleil atteindra une activité maximale mais que paradoxalement cela risque d’être plus faible que d’habitude.
Sur l’existence d’une planète ou astéroïde en route vers une collision vers notre bonne planète Terre ? Une seule réponse possible : « Circulez il n’y a rien à voir ».
Et cette phrase risque d’être reprise par la gendarmerie nationale vers la mi-décembre 2012.

Si mystère il y a, ce sera de deviner combien de personnes se présenteront au pied du Bugarach pour honorer le rendez-vous final. Déjà, le maire de Bugarach, Jean-Pierre Delord, craint l’arrivée massive de pèlerins en tout genre. 10,000 est le chiffre sur la plupart des lèvres, mais si le phénomène prend de l’ampleur dans les deux années à venir il pourrait y en avoir bien plus. Même dix mille êtres humains assoiffés et affamés poseraient de sérieux problèmes logistiques pour un village ne possédant que trois restaurants et une trentaine de chambres d’accueil. Comment gérer autant de monde ? Dans quelles conditions en plein hiver ? Faudra-t’il fermer les routes et organiser des navettes ? Pour l’instant, pas de plan d’action prévu, selon les premiers magistrats du canton. Côté visiteurs ça s’organise, on cherche à réserver des chambres un peu partout, ou même acheter des maisons et des terrains dans le coin. Des sites aux Etats-Unis proposent déjà des voyages organisés avec billets de retour… cherchez l’erreur.

Paul Finch

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Le Calendrier Maya, c’est quoi exactement ?

La réponse à cette question est complexe mais nous allons essayer de faire simple.
Les Mayas était une civilisation d’Amérique centrale qui existait entre le 3e siècle av. J-C jusqu’à la conquête espagnole au 16e siècle. Leur héritage culturel est impressionnant, parmi lequel un calendrier solaire qui calculait l’année avec une précision époustouflante, seulement 17 secondes d’écart par rapport à notre calendrier moderne.
Ils avaient également d’autres formes de calendrier, comme celui basé sur un cycle religieux de 260 jours, d’autres basés sur les cycles de la lune et de Venus et enfin un autre pour calculer les périodes plus longues par cycles de 5125 ans. Ce calendrier, le « compte long », qui commence à une date mythique de -3114 av J-C.
Cependant, le fonctionnement du calendrier n’est pas facile à comprendre et les avis d’experts scientifiques divergent concernant son interprétation. Aujourd’hui une majorité tend vers un calcul de fin du cycle actuel en 2220 mais d’autres trouvent notre fameuse date de 21/12/2012 ou bien 12/12/2012,
voire même le 28/10/2011 selon l’interprétation des symboles !!
C’est simple, non ?

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Mais d’où vient tout ce «buzz(1)» sur Bugarach en 2012 ?

L’avis de Jean Pierre Delord, Maire de Bugarach

Tout a commencé au mois de décembre dernier quand deux de ses concitoyens ont interpellé Jean Pierre Delord, Maire de Bugarach sur les élucubrations de certains sites internet. Ces sites prédisent l’apocalypse pour décembre 2012, le 12 ou le 21, ils ne sont pas tous d’accord… Et le plus intéressant, il présente Bugarach comme seul refuge mondial, en effet Bugarach pour des raisons différentes, selon les sites, sera préservé et tous ceux qui s’y trouveront seront sauvés…. Alléluia ! Monsieur le Maire décida donc d’en parler à son Conseil et ce fut chose faite, ils en parlèrent à bâtons rompus à la fin du Conseil de mi-décembre et rien ne fut décidé car à Bugarach ce genre d’inepties on connaît…

Le dimanche qui suivit, Mr le Maire reçut un appel d’un journaliste qu’il connaît bien, il ne se méfia donc pas et répondit bien naïvement à toutes ses questions concernant l’apocalypse à Bugarach en 2012. Quelle ne fut pas sa surprise de voir le lendemain un article dans le quotidien local ! Un peu éberlué et passablement contrarié, il demanda que soit fait un autre article présentant Bugarach sous un autre jour que celui de l’apocalypse. Rendez vous fut pris et Monsieur le Maire expliqua que le Bugarach avant d’être la montagne sacrée de quelques uluberlus était avant tout un « phénomène géologique remarquable » se présentant comme une montagne inversée. Il parla des orchidées, des vautours… enfin de tout ce qui fait que Bugarach est avant tout un site touristique remarquable.
Un autre article parut donc mais, ce journaliste ne put s’empêcher de l’écrire sur un ton un peu tendancieux.
Une dépêche de l’AFP(2) a tout provoqué.
Et ce qui devait arriver arriva, l’AFP s’empara du sujet avec un titre plus qu’explicite « L’Apocalypse le 31 décembre 2012 ? Il existe un refuge dans l’Aude… » . Et ce fut l’explosion médiatique, émissions télé, radios, presse enfin tous les médias français se firent le relais et l’info fit le tour du monde. Bugarach devint en l’espace de quelques jours le centre du monde. Depuis, le téléphone de la Mairie n’arrête pas de sonner, le répondeur sature d’appels de journalistes du monde entier, même des japonais ! Monsieur le Maire se dit qu’après tout autant utiliser les médias pour intéresser le monde entier sur ce petit village de la Haute Vallée de l’Aude, il se fit donc ambassadeur touristique et leur parla avec passion et enthousiasme, de son village mais aussi de Rennes le Château et de Rennes les Bains, d’Arques enfin de toute la haute Vallée. Aujourd’hui, Jean Pierre Delord se dit que tout ce tohubohu est peut-être une chance pour son petit village et son canton.
Par contre, il a bien mis en garde la Préfecture et la Gendarmerie des risques de débordement si 50 000 personnes décident d’être présentes en décembre 2012 sur place. Apparemment les services spécialisés de l’Etat sont sur le pied de guerre et tout sera fait pour que le 22 décembre 2012 nous puissions tous lever nos verres à la 190e annonce de fin du monde ratée…

(1) Buzz : Rumeur créée pour faire parler de soi, de quelque chose ou de quelqu’un, notamment sur internet.
(2) L’AFP (Agence Française de Presse) est l’une des quatre agences mondiales d’information avec les américaines Bloomberg, Associated Press (AP) et la britannique Reuters. Basée à Paris, l’AFP couvre 165 pays, grâce à 115 bureaux et 50 correspondants locaux.

Dossier paru dans L’hebdo de l’Aude n°2

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