Lu dans la dernière Lettre du Crocodile de Rémy Boyer
En 2007, les Editions L’œil du Sphinx lançaient une nouvelle et remarquée collection intitulée Bibliothèque Heuvelmansienne du nom de Bernard Heuvelmans (1916 - 2001) l’un des pères d’une discipline aussi fascinante que méconnue, ou plutôt mal connue, la cryptozoologie.
A l’occasion de la sortie du 3ème tome de cette collection à ne pas manquer, eux livres, particulièrement soignés, nous rappelons ici les deux livres, particulièrement soignés qui ont inauguré ce projet éditorial aussi fou que courageux : Le premier est la biographie avisée de Jean-Jacques Barloy sur ce personnage hors du commun, intitulée Bernard Heuvelmans, un rebelle de la science. Le deuxième est un ouvrage passionnant de Bernard Heuvelmans, Les félins encore inconnus d’Afrique.
La collection-hommage comportera une quinzaine d’ouvrages et se terminera par un livre de souvenirs de sa compagne, Alika Lindbergh dont les peintures ornent les couvertures de la série.
Outre le sujet de la cryptozoologie, cette collection permettra au lecteur d’approcher un destin exceptionnel, celui d’un anticonformiste bouddhiste épris de liberté.
Célèbre zoologiste et principal penseur de la cryptozoologie, il fut reconnu et respecté de quelques-uns des plus grands scientifiques du siècle dernier, comme Bernard Monod, Rémy Chauvin, André Cabart, Phillip V. Tobias. Beaucoup d’autres.
Alika Lindbergh, dans la préface à cette biographie écrite par le disciple et l’ami de Bernard Heuvelmans, Jean-Jacques Barloy, tord le cou à une idée toute faite qui résiste aux faits :
« Une rumeur tenace, soigneusement entretenue de son vivant comme depuis sa mort, plutôt par des disciples affectant d’en être scandalisés que par des ennemis déclarés, veut que Bernard Heuvelmans et la Cryptozoologie aient été rejetés – ou du moins tenus à l’écart – par les pontifes de la science officielle. Non seulement cela fut – et cela reste – faux, mais la vérité est en faite surprenante. Tout au long de ces cinquante ans de recherches cryptozoologiques, Bernard fut encouragé et approuvé par de nombreux scientifiques de haut niveau, et en particulier par des hommes dont les compétences en zoologie ne faisaient aucun doute. Soutenu par quelques-uns des plus grands « mandarins » de son temps, il pouvait accepter avec philosophie l’inévitable hostilité que déclenche toute idée novatrice chez ceux qui, gelés dans leurs dogmes, craignent surtout de voir certaines découvertes cryptozoologiques leur infliger quelques démentis… »
La cryptozoologie ne souffrirait donc pas davantage que bien des domaines peu médiatiques et peu rentables commercialement de la science d’un certain isolement.
Mais revenons à l’homme. Il est bourré de talents. Artiste, scientifique, auteur, séducteur, amoureux de la Femme, et des femmes, bricoleur même. Il fait une rencontre déterminante, celle d’une femme exceptionnelle, Monique Watteau, artiste qui l’accompagnera sa vie durant, à tous les titres possibles, dans une aventure scientifique et amoureuse mouvementée, aux multiples facettes, qui est aussi une véritable quête initiatique.
Monique Watteau signera plus tard textes et peintures du nom d’Alika Lindbergh après son mariage avec Scott Lindbergh. Beaucoup de femmes jalonnent la vie agitée de Bernard Heuvelmans. Alika demeura toujours à ses côtés, d’abord comme amante, puis épouse, puis amie et collaboratrice, infirmière aussi. Elle lui tient la main quand il s’éteint en 2001.
Outre les femmes, Bernard Heuvelmans eut d’autres amours, les amis, les animaux et l’Ile du Levant.
C’est en 1955 que se scelle son destin scientifique. Il a déjà l’habitude de collectionner les articles consacrés à des curiosités zoologiques ou biologiques. En 1948, après un article d’un chercheur britannique de renom, Ivan T. Sanderson, qui envisage une possible survivance de dinosaure en Afrique, il décide de consacrer un ouvrage aux animaux inconnus de la science. Quatre années de travail pour publier Sur la piste des bêtes ignorées, deux volumes illustrés écrits dans un style vivant non dénué d’humour. La cryptozoologie était née, science des animaux cachés. C’est lui qui en forgea le nom. Suivirent des années de recherches historiques et scientifiques et de publications, toujours basées sur l’observation directe, d’émissions de télévision sur des sujets fort divers, non sans polémiques, allant du serpent-de-mer aux licornes en passant par les sirènes et l’abominable homme-des-neiges.
En 1967, il découvre l’Afrique, autre grand tournant de sa vie. Il y rencontra notamment deux grands chercheurs qui surent apprécier ses travaux, L.S.B. Leakey, anthropologue et J.L.B. Smith, découvreur du coelocanthe.
Il y eut ensuite une découverte bouleversante qui n’eut pas les conséquences scientifiques qu’elle aurait dû avoir, celle de l’homme pongoïde, découverte la plus importante de sa carrière boudée par les scientifiques car trop dérangeante pour le dogme établi.
Bernard Heuvelmans défendit aussi la thèse de la bipédie initiale, thèse qui soutient que l’homme se serait mis à quatre pattes pour donner le singe.
En 1982, est fondée autour de Bernard Heuvelmans une International Society of Cryptozoology qui le déçut par bien des aspects. Toutefois sa démarche fut reconnue. Des faits lui donnèrent raison en bien des points. De nouvelles formes animales furent ainsi découvertes. Des témoignages chimériques furent infirmés. Benoît Grison insiste sur la validité de la « procédure cyptozoologique canonique » définie par Heuvelmans, « collecte de témoignages de première main recoupés et d’indices matériels, définition progressive des zones de répartition les plus importantes, puis obtention d’un spécimen (vif, de préférence). »
Bien des questions demeurent toutefois. La cryptozoologie a un avenir.
Le troisième tome de la collection est justement consacré à la question si passionnante de l’homme pongoïde, sous le titre intrigant de L’homme de Néanderthal est toujours vivant. Il est signé de Bernard Heuvelmans & Boris F. Porchnev, grand chercheur qui accompagna Heuvelmans dans ses travaux, malgré des intérêts scientifiques différents. L’ouvrage est consacré aux hominoïdes velus signalés à travers les cinq continents. C’est en 1968 que Heuvelmans contemple aux Etats-Unis la dépouille congelée d’un hominoïde velu aux proportions étonnantes, tué récemment par balle. Il n’appartient pas à notre espèce ni à aucune espèce connue. Bernard Heuvelmans va débuter une enquête longue et difficile qui le conduira vers Boris Porchnev, historien russe qui postule que des hommes de Néanderthal survivent à travers l’Asie, du Caucase au Vietnam, en passant par le Pamir et la Mongolie. La thèse développée par Bernard Heuvelmans qui rattache cet être au type néanderthalien est tout à fait digne d’intérêt mais universités et académies s’empresseront de l’ignorer, ce serait remettre en question trop de préjugés scientifiques. Les recherches ne se limitent pas en effet à un « abominable homme des neiges », pour reprendre cette expression ridicule, sorte de monstruosité ou d’anomalie de la nature qui serait cantonné géographiquement. Les cas signalés, rares certes mais suffisants pour être pris en compte, concernent tous les continents.
Le lecteur découvrira avec passion la passion d’un autre, aventurier, scientifique épris de vérité, et pourra se forger sa propre idée sur l’une des plus grandes découvertes du XXème siècle.
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