Les Grands Anciens se souviennent que Christophe Thill avait réalisé sa traduction pour notre fanzine, Dragon & Microchips, en 2000. Voilà ce qu'en disait à l'époque J.D. Brèque dans la défunte revue Ténèbres (no 9)
L’univers
fantastique de Robert W. Chambers
Dragons & Microchips n° 16.
250 pages
Curieuse
postérité littéraire que celle de Robert W. Chambers (1865-1933). Écrivain
extrêmement populaire de son vivant, il est peu à peu tombé dans un oubli
presque total, dont surnagent ses seuls textes fantastiques, franchement
atypiques de son œuvre. Encore faudrait-il nuancer : si les cinq nouvelles
fantastiques incluses dans The King in
Yellow (1895) sont considérées comme des classiques, elles ne sont
disponibles que par à-coups, leur carrière posthume présentant un profil en
dents de scie tout à fait étonnant. En France, elles furent publiées en 1976
par Marabout dans un recueil intitulé Le
Roi de jaune vêtu, aujourd’hui épuisé ; depuis, on a assisté à
plusieurs tentatives de réhabilitation de Chambers : en 1981, Les Presses
du Crépuscule, animées par Richard D. Nolane, publiaient Le Faiseur de lunes (The
Maker of Moons, 1896) ; plus récemment, le quatrième numéro du Visage vert, daté de février 1998, nous
proposait une nouvelle intitulée "Les Sphyx” (1904), suivie d’un
passionnant essai de Michel Meurger.
Et
que dire des jugements portés aujourd’hui sur l’auteur ! De Lovecraft, qui
soulignait l’intérêt de The King in
Yellow dans Épouvante et surnaturel
en littérature, à son exégète S. T. Joshi, présent au sommaire de ce numéro
spécial de Dragons & Microchips,
en passant par Everett F. Bleiler, infatigable défricheur du fantastique,
l’unanimité autour de Chambers est impitoyable : c’était un écrivain
brillant mais superficiel qui, après avoir renouvelé le genre en profondeur,
assurant la transition entre Poe et les modernes, a gâché son talent en
produisant à la chaîne des romans sentimentaux qui flattaient le goût d’un
public fruste. Reste, nous dit-on, une poignée de textes présentant surtout un
intérêt de curiosité.
Mais
grâce au travail considérable de Christophe Thill, responsable de ce numéro
spécial, voici qu’est redoré le blason d’un auteur dont la piètre réputation
dans le monde fantastique anglo-saxon s’avère injustifiée. Essai biographique,
étude du contexte de l’époque, aperçus critiques, pastiches, tout contribue à
brosser de l’œuvre fantastique de Chambers un tableau fidèle, qui donne envie
de s’y plonger séance tenante. Certes, cette somme se concentre sur les textes
purement fantastiques de Chambers, négligeant ses nouvelles de SF humoristiques
auxquelles s’attachait le numéro du Visage
vert cité plus haut. Mais il faut un commencement à tout. On annonce pour
le proche avenir la publication aux États-Unis de l’intégrale des récits
étranges et fantastiques de Chambers, sous l’égide de S. T. Joshi. Espérons
qu’un éditeur français s’y intéressera. Vu le bonheur que j’ai eu à traduire
“Les Sphyx” et “L’Homme à la table voisine” (in Les Chats fantastiques, éd. Joëlle Losfeld), je me porte volontaire
à grands coups de trompette !
Jean-Daniel BRÈQUE
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