Boucau’s killer de Jean-Christophe Pichon. Éditions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Voici
un roman qui se lit d’une traite, emportant le lecteur dans une
intrigue haletante, entre désir et écriture, sur fond de jeu de go.
Les
deux personnages principaux sont un journaliste sur le retour, Luc,
réduit à des petits boulots de pigiste sur des sujets sans intérêt et
une adolescente insaisissable et troublante qui se métamorphose, appelée
tantôt Saphire, Sophie, Labyrinthe et même Utérus.
Luc
et Saphire se croisent dans des milieux glauques où règnent quelques
personnalités déchues mais non sans dignité autour de la recherche d’un
mystérieux manuscrit, rédigé par un certain Boucau, SDF, « essedef » dit
Luc. Cette recherche, improbable, d’un manuscrit dont nul ne sait
vraiment s’il existe et d’un auteur, peut-être pluriel ?, tout aussi
incertain, est aussi dangereuse que fantasque.
La
quête de Luc, devenue obsessionnelle, Saphire aide à l’obsession, le
conduit aux quatre coins de Paris. C’est là que les règles du go
interviennent, quasi invisibles mais présentes, pour structurer le roman
et l’aventure elle-même. Que le manuscrit existe ou non, les questions
de Luc dérangent. Chaque fois qu’il semble approcher d’une découverte,
un crime, un incendie, une explosion, réduisent ses espoirs au néant. La
déambulation sanglante de Luc est aussi introspective. Sa vie
intérieure est également jonchée de cadavres. Les misères croisées dans
la capitale sont les reflets de ses pénuries internes.
Le
rythme, le ton, le langage des rues, les lieux où se mêlent le sordide
et l’humain, évoquent au lecteur familier des grandes villes des
souvenirs enfouis, des odeurs, des bruits, des tensions, des peurs…
Nous percutons de plein fouet un cul-de-sac ! conclué-je.
Entortillée dans une grande serviette la tête de Saphire ne surnage qu’à peine de mon peignoir de bain.
Nous ne percutons rien du tout !... Jamais abandonner, voilà ma devise, murmure-t-elle d’une voix ensommeillée, à peine audible.
Je
cogite à m’en péter les vaisseaux et je frôle le champ de pétéchies.
Dans la marge du Monde, je note les points essentiels – un mémo en
quelque sorte -, le manus de Boucau, le Kit Kat rue de la Grande
Truanderie, Saphire qui s’introduit salement dans min intimité,
l’intervention filandreuse de Séverin-le-Rémora moins innocente qu’il
n’y paraît, l’expédition inutile rue Montenoir au Bar Ragosse soufflé
dans l’atmosphère, la petite vieille centenaire radotante, la tête
trouée du prophète Emir avec son bonnet de Laine, l’ombre de
Séverin-encore-lui et l’œil inquisiteur de l’ange Claude Ramy. Enfin les
quelques feuilles pauvrettes, insensées devrais-je dire – sans queue ni
tête ! Rien de déterminant dans ce fatras, mais sûrement un fil
conducteur, un fil rouge, Boucau lui-même, le grand Boucau faiseur
d’embrouilles sinon de miracles. Si long ? Mais plus de pistes, sauf
peut-être ce Ramy-à-l’oeil-de-fouine qui seul pourrait nous révéler qui
put bien écrire cette liste de commissions incluant des boîtes pour
chat…
La question subsiste de savoir comment interroger cet homme sans risque ?
Ce roman a ce qui manque le plus aujourd’hui à la littérature, du corps !
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