A travers les
Portes de la Clef d’Argent (1932-1933, une collaboration avec Edgar Hoffmann
Price, Through the Gates of the Siver Key
in Weird Tales, 1934). E.H. Price avait adoré La Clef d’Argent et proposa à Lovecraft, lors de leur rencontre
l’été 32 à la Nouvelle Orléans, de lui donner une suite. Cela se traduira par Le Seigneur de l’Illusion (1932, The Lord of Illusion, texte publié en
France par « Le Cri Mécanique »,1988), un texte que Lovecraft
révisera en profondeur tout en en gardant la trame.
Nous sommes dans la
demeure de Etienne-Laurent de Marigny, à la Nouvelle-Orléans. Amateur éclairé
de mystères, il est devenu l’ami de Randolph Carter qu’il a rencontré dans la
Légion Étrangère, en France. Exécuteur testamentaire du disparu, il a réuni
Ward Phillips, un vieil occultiste érudit, ami et correspondant de Carter,
Ernest B. Aspinwall, cousin de l’intéressé et un mystérieux pandit
Chandraputra, venu spécialement de Bénarès pour faire d’importantes révélations.
La réunion se déroule dans le salon de l’hôte, sous des volutes de fumée
d’herbes odorantes et au son du tic tac d’une horloge aux cadrans déroutants.
Très vite, l’assemblée se divise quant à la pertinence du règlement de la
succession, car à l’exception du cousin, tous les participants sont persuadés que
Randolph Carter vit toujours, prisonnier de quelque méandre du temps.
Le pandit prend la
parole, abondant dans ce sens, expliquant qu’il a gardé le contact avec le
disparu. Et de retracer l’aventure de ce dernier, franchissant une porte sacrée
où il est attendu par le Grand Ancien Urm At-Tawil, littéralement le plus
Ancien de tous dont il est fait état dans le Necronomicon (cf citation en infra) et Le Livre de Thot. Face à la détermination de Carter, il acceptera
d’ouvrir à son visiteur la porte ultime et de lui révéler le secret de toutes
choses. Carter est alors terrassé par une panique sans nom, perdant son
identité pour devenir tous les Carter passés et futurs. Il lui est expliqué que
le temps n’existe pas, et que toute chose est l’apparence d’une chose plus
importante. Considérez la forme que vous
appelez un cône. Vos géomètres la coupent à l’aide d’un plan et ils obtiennent
un cercle. S’ils changent l’angle de la coupe, ils obtiennent une ellipse.
S’ils changent à nouveau d’angle, c’est une parabole qu’ils obtiennent. Une
parabole dont les extrémités vont se confondre avec les plus extrêmes limites
de votre espace. Et pourtant, il s’agit du même cône, rien n’a changé, vous
l’avez simplement coupé selon des angles différents…. Les ellipses, les paraboles,
les hyperboles sont par conséquent des illusions dont vous dites qu’elles
changent, car vous oubliez qu’elles ont toutes pour origine une figure spatiale
inaltérable… A cette explication qui est de Price, Lovecraft va ajouter une
véritable dimension métaphysique.
A l’origine de tout,
il y a l’Être ou encore l’Archétype Universel. Et chaque chose, chaque
individu, n’est qu’une des phases de l’infinité de phases comportant
l’Archétype Suprême. Et il suffit de changer l’angle de son observation pour se
retrouver ailleurs. Il s’agit d’un texte important qui résonne étrangement, à
la lumière de la physique quantique et des mathématiques de l’impossible. On
sent poindre la thématique de « on a retrouvé Dieu » au travers des
équations, un Dieu qui n’est pas celui de la Bible, mais une Intelligence
Cosmique que d’autres appelleraient le Grand Architecte de l’Univers. Et Carter,
qui est devenu Zbauka, le magicien de Yaddith, demande à L’Être, de l’aider à
changer son angle d’observation pour revenir à Boston. Mais pour retrouver son
apparence humaine, il lui faudra récupérer le parchemin qui était dans le
coffret avec la clef d’argent, document qu’il a laissé dans sa voiture.
Le cousin crie à
l’imposture et condamne les élucubrations du pandit. Celui-ci exhibe alors la
clef d’argent et avoue qu’il est Randolph Carter. Aspinwall fait tomber sa
tenue et découvre le corps d’un monstre qui part se réfugier dans l’horloge
dont il referme la porte. Lorsqu’on la réouvrira, il aura disparu !
Une
chute qu n’en est pas une et qui aurait permis une suite (cf 2010)…
°
Citation du Necronomicon
Et bien qu'il existe des
gens ayant osé jeter un regard par-delà le Voile et accepter l'Entité comme
guide, ils eussent été plus prudents en évitant tout commerce avec elle. Il est
écrit dans le Livre de Thoth de quel terrible prix se paie le moindre regard.
Ceux qui vont de l'autre côté du Voile ne peuvent jamais revenir car, dans ces
espaces infinis qui dépassent notre monde, il y a des ténèbres qui saisissent
et qui lient. L'être qui, pas à pas, avance au hasard dans la nuit, le Mal qui
défie les Anciens Signes, le Troupeau qui monte la garde dont on connaît
l'existence dans chaque tombeau et vit de ce qui pousse des morts - tous ces
êtres du monde des ténèbres sont de loin inférieurs de Celui qui garde la porte
; de Celui qui guidera l'imprudent par-delà l'univers dans l'abîme où gîtent
des formes innomables toujours prêtes à dévorer. Celui-là, le très ancien,
c'est UMR-AT-TAWILL, nom que le scribe a traduit par "Celui dont la vie a
été prolongée".
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