Etude -Rudolf
Steiner, visionnaire au cœur de l’homme (1985 ; Le Rocher, 1987)
Tout comme Jung, Wilson se devait de
rencontrer Steiner (1861-1925) sur le plan de sa recherche dans le domaine de
la conscience[1].
Avant d’aborder la biographie proprement dite, il consacre du reste un premier
chapitre aux « fondamentaux » de l’anthroposophe. Tout en
reconnaissant que ses écrits sont d’un abord difficile, il cherche d’emblée à
en tirer l’essentiel. Le point de départ de sa pensée est que derrière le monde
matériel, il existe un univers suprasensible ou spirituel. Chacun, moyennant un
simple entraînement, peut développer la faculté de voir cet autre domaine de
l’être. Or l’homme est pris dans l’existence physique (le robot) et éprouve
l’angoisse existentielle caricaturée par Sartre dans La Nausée. C’est la raison pour laquelle l’entrée dans « le
monde de la pensée » est le premier pas essentiel du « voyage
intérieur » qui peut nous conduire à la « connaissance des mondes
supérieurs ».
Steiner a consacré sa vie à combattre le
« réductionnisme » scientifique, telle l’idée que la conscience n’est
qu’une activité du cerveau tout comme brûler est l’action du feu. Mais celui
qui aurait se hisser au rang des grands philosophes du début de siècle va
connaître une courbe en « cloche ». Il affute sa pensée en solitaire
en se plongeant dans les œuvres de Goethe dont il tirera plusieurs études
pertinentes, tout en exerçant les fonctions de précepteur dans la famille
Eunike de Weimar dont il épousera la maîtresse de maison. Il se passionne pour
Nietzche qu’il rencontrera à sa fin de la vie, une passion faite de fascination
et de dénigrement[2].
Et il cherchera éperdument à briser sa coquille de reclus, poussé par le besoin
impératif de faire connaître ses idées et de trouver un public pour partager.
Il fera l’acquisition de l’hebdomadaire berlinois, Das Magazin für Litteratur et fréquentera d’obscures sociétés
culturelles comme Die Kommenden (Ceux
qui vont venir !).
Sa rencontre avec Marie von Sivers, qui
deviendra sa seconde épouse, marquera un tournant dans son cheminement à partir
de 1901.Ensemble, en effet, ils s’orienteront vers la théosophie, alors dirigée
par Annie Besant. Steiner deviendra rapidement secrétaire de la Société
Théosophique pour l’Allemagne. Un étrange mariage, car s’il est loin de
partager tout le credo de la ST, il trouve enfin un véhicule pour communiquer,
et ce d’autant plus facilement que la société était devenue une véritable
« auberge espagnole ». C’est à partir de ce moment que le philosophe
brouille les cartes en se lançant, à l’instar de Blavatsky, dans une
exploration des « archives akhasiques » dont il rapporte des visions
pour le moins farfelues ; sans même parler de ses flashs sur l’Atlantide
ou sur la Lémurie, sa description de l’univers arthurien vu au travers du
château de Tintagel défie toutes les connaissances historiques sur le sujet.
Il se brouillera avec la ST, en désaccord
avec la reconnaissance par cette dernière de Khrisnamurti comme nouveau messie.
Steiner était resté profondément christique et pour lui Jésus ne pouvait
revenir que dans un corps éthérique et non sous une enveloppe humaine. Il
fondera son propre véhicule en 1913, la Société Anthroposophie, pour laquelle
il fera édifier (et reconstruire après un incendie) un temple colossal à
Dornach en Suisse, le Goethéanum. Travailleur infatigable, il développera ses
propres approches en médecine, agriculture, éducation, théâtre (eurythmie)…
Drainant des foules considérables et donnant des foultitudes de conférences, il
disparaîtra à 64 ans, épuisé. Wilson résumera avec ironie son parcours :
celui d’un grand philosophe qui avait voulu devenir gourou !
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