mercredi 3 décembre 2025
mardi 2 décembre 2025
LES CHRONIQUES D'EL'BIB : L'OR DES ESPAGNOLS, François Lange
Il faut pratiquement un dictionnaire breton-français pour suivre les dernières aventures de Fãnch Le Roy, le policier-héros de François Lange. Un dictionnaire, mais aussi avoir un solide appétit, car les gargotes de campagne sont nombreuses dans la région de Concarneau où se déroule l’Or des Espagnols. Il est vrai que Fãnch a été formé à bonne école, le récit débutant par la dégustation d’une fricassée de rognons de porc, mitonnée par la mère du policier, avec recette à l’appui pour le plus grand plaisir du lecteur gourmand. Mais ce petit séjour familial sera brusquement interrompu par l’appel du devoir. Un vieil aristocrate de la région a été assassiné et on a retrouvé son corps à moitié dévoré par les cochons d’une ferme voisine (décidément, le cochon breton !). Il avait de surcroît dans les poches des pièces d’or anciennes, de provenance espagnole. L’enquête débute sur les chapeaux de roue avec la découverte d’un second meurtre, celui d’un vieux curé de campagne, lui aussi détenteur de précieuses piécettes. Les deux victimes étaient royalistes et le policier mettra immédiatement dans la boucle son employeur, « Le Cabinet de l’Ombre », chargé des basses manœuvres de l’Empereur Napoléon III. Le parfum des royalistes avec « la Compagnie du Lys Bleu » semble embaumer toute cette affaire. L’auteur nous fait alors plonger dans la Bretagne profonde sur les lieux où s’était, en 1594, déroulé un violent combat entre bretons et espagnols, ces derniers lors de leur fuite ayant laissé un important trésor. Les royalistes cherchent à récupérer le magot dans le cadre d’une opération discrète de débarquement pour reprendre le pouvoir à l’Empereur. Comme à l’accoutumée, François Lange fait montre d’une érudition historico-géographique époustouflante qui sera bien utile à Fãnch pour déjouer la machination.
Et puis en aparté, moi qui suis un « liber maleficonaute » passionné, le n’ai pas pu m’empêcher d’aller fouiller du côté des manuscrits sulfureux cités dans le récit. Lange cite L’Histoire de ce qui s’est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue, et plus particulièrement dans le diocèse de Cornouaille du chanoine Jean Moreau (17ème siècle) qui est un ouvrage réel dont il s’est beaucoup servi sur le plan documentaire. Il fait également intervenir une mystérieuse baronne en noir, en train de feuilleter un livre précieux, L’Evangéliaire de Saint Magnus sur lequel je suis resté collé. J’ai été obligé de demander à mes collègues du « Wilmarth Institute » d’Arkham de me faire une petite recherche. Voilà le résultat.
WILMARTH INSTITUTE OF ADVANCED STUDIES
DIVISION OF ARCHAEOLOGY & PREHUMAN TEXTUALITY
DOSSIER CONFIDENTIEL – “CODEX MAGNUS”
Réf. : WI-MED-CXMG-1123-Ω
Niveau de classification : Obsidian / Restreint
1. Objet du dossier
Présenter l’ensemble des données connues, hypothétiques et spéculatives concernant :
- l’Évangéliaire attribué à Saint Magnus d’Orkney Saint Magnus d'Orkney,
- son lien supposé avec la Cathédrale Saint-Magnus de Kirkwall Cathédrale Saint-Magnus,
- les traditions populaires, miracles et phénomènes “non explicables” associés au manuscrit,
- les connexions possibles entre ce codex et certains artefacts d’origine préhumaine.
2. Contexte historique
Magnus Erlendsson fut assassiné en 1115 et canonisé localement peu après.
La tradition rapporte qu’un évangéliaire personnel, contenant les quatre
Évangiles et des prières insulaires, fut placé près de ses reliques.
Aucune trace documentaire formelle n’est conservée dans les archives ecclésiastiques actuelles, mais le manuscrit est mentionné dans :
- les Orkneyinga sagas (versions tardives),
- des notices hagiographiques du XVIᵉ siècle,
- plusieurs registres juridiques médiévaux, indiquant qu’on “jurait sur le Livre de Magnus”.
3. Description matérielle (reconstituée)
Les descriptions anciennes suggèrent un évangéliaire :
- de style insulaire (influences hiberno-saxonnes),
- richement enluminé,
- comportant entrelacs nordiques, animaux stylisés, lettrines celtiques,
- relié de cuir teint, avec fermoirs métalliques gravés.
Des témoins du XVIIIᵉ siècle évoquent des pigments “qui brillent faiblement
à la lumière des cierges”.
Aucune analyse moderne ne peut confirmer cette assertion.
4. Statut religieux et populaire
Selon les traditions orcadiennes, le manuscrit servait à :
- bénir les marins avant les traversées dangereuses,
- accueillir les serments des comtes locaux,
- guérir certaines fièvres ou afflictions oculaires,
- protéger les foyers lors des tempêtes.
Une légende persistante affirme que le livre ne pouvait être ouvert que par une personne “sans péché grave sur la conscience”.
Il existe au moins trois récits de “non-ouverture miraculeuse” au cours des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles.
5. Incidents documentés (ou supposés)
5.1. L’Incident de Kirkwall (1693)
Des témoins rapportent qu’un jeune moine aurait tenté d’emporter le livre
hors de la cathédrale.
Il aurait été retrouvé inconscient près du port.
Le récit mentionne “une lueur dorée et un bruit semblable au vent dans les
pierres”.
5.2. Le cas Henderson (1741)
Un pêcheur affirme avoir survécu à une tempête “en voyant la croix du Livre
briller sous l’eau”.
Probable hallucination… mais mentionnée dans trois sources distinctes.
5.3. La disparition finale (entre 1780 et 1814)
Le manuscrit n’apparaît plus dans aucun inventaire après 1780.
L’hypothèse la plus probable :
vol, vente clandestine, ou transfert dans une collection privée.
Une rumeur persistante le relie à la collection d’antiquités écossaises de la Royal Society of Edinburgh Royal Society of Edinburgh, mais aucun registre ne le confirme.
6. Hypothèse Wilmarth : un objet “liminal”
Les chercheurs du Wilmarth Institute émettent une hypothèse prudente :
le codex pourrait être un objet-lien, un manuscrit sacré dans lequel
auraient été intégrés :
- des motifs symboliques préchrétiens,
- des prières norroises hybrides,
- des monogrammes possiblement d’origine “autre”.
Certaines enluminures décrites (nœuds, spirales, entrelacs) présentent des similarités troublantes avec des motifs répertoriés dans les artefacts étudiés dans la Collection de Reliques Anormales de Miskatonic Université Miskatonic.
Aucun lien direct n’est démontré, mais le dossier reste ouvert.
7. Indices d’interférence non humaine
Le manuscrit aurait été associé à :
- des rêves récurrents parmi les religieux proches des reliques,
- des phénomènes lumineux faibles,
- une sensation de “présence vigilante”,
- des cas d’hypermnésie (mémoire anormalement accrue) après lecture.
Le Wilmarth Institute classe ces récits comme “non vérifiables”, mais note leur récurrence.
Certaines enluminures perdues pourraient avoir représenté :
- des “êtres ailés” non conformes aux iconographies angéliques,
- des structures en spirale évoquant des schémas non-euclidiens,
- des symboles nordiques modifiés de manière atypique.
8. État actuel des recherches
Statut matériel :
Objet disparu.
Dernière apparition attestée : 1780.
Pistes suivies :
- collections privées d’Aberdeen et d’Édimbourg,
- archives non cataloguées des cathédrales écossaises,
- relations avec les manuscrits insulaires détachés des monastères irlandais,
- marché noir du livre ancien au XIXᵉ siècle.
Hypothèse Wilmarth (2025)
Le manuscrit pourrait avoir été dissimulé intentionnellement, non pour sa valeur religieuse…mais pour empêcher l’exposition d’un contenu perçu comme dangereux ou “pas entièrement humain”.
9. Conclusion préliminaire
Le “Codex Magnus” occupe une place rare : au croisement de l’hagiographie nordique, du manuscrit insulaire, du folklore insulaire…et possiblement d’une tradition beaucoup plus ancienne, non chrétienne, recyclée au sein d’un livre sacré.
Comme le notait un archiviste anonyme vers 1760 :
“Le Livre de Magnus n’est pas tant lu qu’il lit l’âme de celui qui l’ouvre.”
Le dossier est maintenu ouvert.
lundi 1 décembre 2025
LES LIVRES SULFUREUX DÉCOUVERTS PAR ALONZO TYPER
WILMARTH INSTITUTE – ARCHIVAL DIVISION
Mini-Dossier W-Δ17 : “Les Deux Livres Interdits”
Le Livre des Choses Cachées & Les Sept Signes Perdus de la Terreur
Niveau : Pnak-3 (consultation contrôlée)
1. Contexte général
Ces deux
ouvrages apocryphes sont mentionnés uniquement dans le journal de Claes van der
Heyl, conservé dans le dossier VDH-32.
Aucun exemplaire n’a été authentifié, mais plusieurs références croisées
(marginalia, correspondances privées, inventaires coloniaux) laissent supposer
qu’ils ont circulé, sous formes fragmentaires, dans les communautés
néerlandaises du New England entre 1670 et 1750.
Ils semblent liés à un corpus rituel préhumain découvert — ou redécouvert — par le clan van der Heyl.
2. Le Livre des Choses Cachées
2.1. Origine hypothétique
- manuscrit syncrétique, mélange de vieil hollandais, latin tardif et symboles non humains ;
- probable import colonial via les comptoirs maritimes (Suriname, Cap-Vert, Jakarta) ;
- annotations internes suggérant un texte antérieur, adapté par des prêtres du XVIIᵉ siècle.
2.2. Contenu supposé
Selon les fragments copiés par van der Heyl :
- descriptions de créatures souterraines vivant sous les “fondations du monde”,
- rites de perception élargie (“voir dans la pierre”, “écouter sous les dalles”),
- schémas géométriques proches des hiéroglyphes de la crypte,
- récits sur “les Premières Ombres”, terme récurrent mais non défini.
2.3. Risques documentés
- migraines, troubles visuels, distorsion du champ auditif ;
- signaux conceptuels proches des Formes de G’harne ;
- possible contamination onirique.
3. Les Sept Signes Perdus de la Terreur
3.1. Nature et fonction
Ce texte, plus
court et plus ancien, aurait servi de manuel rituel.
Il contient sept symboles impossibles à mémoriser pleinement, et décrits comme
:
- instables,
- mouvants,
- auto-réarrangés dans l’esprit du lecteur.
Ils sont probablement une transcription approximative d’idéogrammes préhumains.
3.2. Hypothèses d’origine
- tradition hybride germano-nordique du XVIᵉ siècle ;
- survivances d’un culte archaïque non humain lié aux profondeurs ;
- transmission orale via marins, pêcheurs ou dissidents religieux.
Aucun des signes ne correspond aux alphabets runiques ou occultistes connus.
3.3. Usage rituel présumé
Le journal indique que :
- le Premier Signe ouvre la perception,
- le Quatrième Signe produit une sensation de chute (altération gravitationnelle),
- le Septième Signe “ouvre un passage que nul ne peut refermer”.
Le rapprochement avec les portes de la crypte est évident.
4. Croisements entre les deux ouvrages
Les deux livres semblent avoir été utilisés ensemble :
- Le Livre des Choses Cachées fournit les concepts,
- Les Sept Signes fournit les clés d’accès.
Cette complémentarité est probablement la raison pour laquelle la lignée van der Heyl a conservé les deux textes.
Leur utilisation conjointe semble avoir :
- déclenché l’ouverture de la crypte au XVIIIᵉ siècle (Claes),
- et causé la disparition de Typer au XXᵉ siècle.
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5. Analyse Wilmarth (Synthèse)
L’Institut retient trois conclusions :
- Les deux
livres sont dangereux même sous forme fragmentaire.
L’effet mémétique des signes est attesté. - Ils dérivent probablement d’un corpus préhumain, transmis oralement puis maladroitement transcrit par des érudits coloniaux.
- Ils constituent la seule tentative connue d’expliquer ou de contrôler les créatures associées à la crypte.
6. Recommandations
- Consultation interdite hors protocole Δ.
- Reproduction intégrale strictement prohibée.
- Toute découverte de nouveaux fragments doit être immédiatement transmise au Département Archéoglyphique.
7. Addendum interne
“Les sept
signes semblent moins ouvrir un passage qu’exiger un appel.
Ce qui répond n’a jamais quitté les profondeurs.”
— Note interne W-Δ17/Ω









