mercredi 26 décembre 2012

LA FARCE DE BUGARACH


La farce de Bugarach

Par | 26/12 | 07:00
A défaut de fin du monde, la journée du 21 décembre nous aura fourni un épisode cocasse qui mériterait de faire date dans l'histoire des médias. On nous promettait un réjouissant spectacle : Bugarach étant le seul lieu de la planète que devait épargner la catastrophe prédite par le calendrier maya, des foules allaient affluer pour un grand Woodstock d'illuminés, de fidèles de sectes de tout poil et de simples badauds. Un « sujet » en or pour les chaînes de télévision, la radio et la presse écrite, qui avaient dépêché sur place envoyés spéciaux, photographes et équipes de tournage. Hélas ! A Bugarach - 196 âmes par temps calme, selon Wikipédia - les visiteurs les plus nombreux, ce 21 décembre, étaient les journalistes. Hôtes sympathiques, mais que leur acharnement à débusquer le détail insolite ou pittoresque rendait un peu encombrants, et que les habitants de ce paisible village de la haute vallée de l'Aude avaient surtout hâte de voir partir…
Il est arrivé que les médias jouent avec la crédulité du public. En 1938, Orson Welles avait déclenché une panique en annonçant sur la chaîne de radio américaine CBS une attaque de Martiens. Plus récemment, les auteurs d'un documentaire très convaincant voulaient nous démontrer que le débarquement des astronautes américains sur la Lune, en juillet 1969, n'avait été qu'une vaste mise en scène. Cette fois, la presse est prise à son propre piège : si elle n'a, bien sûr, pas voulu faire croire au mythe de Bugarach, elle a largement surestimé le nombre des individus prêts à y ajouter foi.
Voilà une manifestation de la « société du spectacle » qui aurait sans doute inspiré Guy Debord, auteur d'un fameux livre qui portait ce titre. Créer l'événement par le simple fait de l'annoncer et d'en faire à l'avance la promotion est une pratique assez courante des médias. Mais à Bugarach, l'événement n'était pas au rendez-vous. Qu'à cela ne tienne : la sphère médiatique n'est jamais perdante et le non-événement devient un événement. Nos chaînes de télévision nous ont ainsi montré, non sans quelque autodérision, des équipes de chaînes hongroises toutes dépitées de s'être déplacées pour rien. Des caméras filmant des caméras, le spectacle dans le spectacle : ce qu'on appelle, en littérature ou en peinture, une « mise en abyme ».

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