L’affaire du Bugarach, ce village de l’Aude qui doit échapper à la fin
du monde, est l’histoire de deux droites parallèles qui, par définition, ne
doivent pas se rencontrer.
La première est celle de l’Apocalypse qui, selon une lecture pour le
moins curieuse du calendrier maya, serait programmée pour le 21 décembre 2012.
La seconde est celle d’une montagne, le pech Bugarach, qui, depuis les
années 1980, développe une mythologie folklorique particulièrement bien
fournie. Sous l’impulsion d’ésotéristes (Elisabeth Van Buren), d’écrivains de
science-fiction (Jimmy Guieu) et de toute une cohorte d’illuminés (Jean
d’Argoun, Jean de Rignies, André Douzet…), la montagne devient un garage à
OVNIS, abrite dans ses flancs de sulfureux trésors (l’Arche d’Alliance, le trésor
de l’abbé Saunière), cache une porte temporelle ouvrant sur d’autres dimensions
et frappe d’une redoutable malédiction les chercheurs trop curieux. Une version
plus soft voit en cette montagne que l’on qualifie de sacrée un lieu de
resourcement unique, une place vibratoire développant des énergies de haute
qualité, bref le « vortex de la terre ».
Et ces deux droites parallèles se sont rencontrées un jour de novembre
2010 à l’occasion d’une discussion « café du commerce » entre un
journaliste local et un édile municipal. « On n’a rien à craindre de
l’Apocalypse ici, le Bugarach nous protégera ». Simple gag ou expression
psychanalytique de terreurs enfouies ? Quoi qu’il en soit, cette
révélation fera le tour de la planète, faisant les choux gras de tous types de
médias et générant ses produits dérivés (tee shirts, cuvées spéciales des crus
locaux), voire un commerce pour le moins douteux (vente sur internet de pierres
de Bugarach, service de dépôt de testament dans une grotte de la montagne…).
Et c’est à cette curieuse affaire que l’écrivain Nicolas d’Estienne
d’Orves a décidé de s’attaquer avec Le
Village de la Fin du Monde, Rendez-vous à Bugarach (Grasset, novembre
2012). Un récit léger, plus journalistique que sociologique, sous la plume d’un
auteur qui avoue avoir été toujours fasciné par l’ésotérisme. Mais une
fascination qui n’est pas celle d’un adepte, mais celle d’un enquêteur qui
voudrait bien savoir si il y a quelque chose de l’autre côté du miroir. Et de
nous faire défiler une cohorte de personnages, tous plus haut en couleur les
uns que les autres. Ici, ce n’est pas la Fin du Monde qui mobilise les
populations, mais les énergies du lieu sur fond de chamanisme celtique comme
l’explique très bien Tatie Jeannine, une figure locale. On aime aussi les thérapies
douces et les médecines alternatives, comme chez Corine du Relais de Bugarach.
L’auteur aura bien sûr chez cette dernière une démonstration du matelas
« Bemer » qui guérit de pratiquement tout. Les extra-terrestres sont évidemment de la fête et on assiste à une
rencontre invraisemblable, en région parisienne, dans une banlieue lovecraftienne,
avec deux anciens contactés de la région. Le tout est croqué avec beaucoup d’humour,
sans tomber dans une dérision facile. Et quant on sait que Nicolas d’Estienne d’Orves
se réfère pour structurer son analyse au travaux de Thomas Gottin et de
Véronique Campion-Vincent, on peut lire sans crainte !!!
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