Limoux Le maire de Bugarach a peur des fanatiques isolés
L’indépendant
Le 06 décembre à 6h00 par B. C. | Mis à jour il y a 1 heure
On se souvient de la fameuse réplique du film "Les Tontons flingueurs" : "Y'a des impulsifs qui téléphonent, y'en a d'autres qui se déplacent". Elle pourrait s'appliquer à certains obsédés de la fin du monde. "Si le grand terminus planétaire n'a pas lieu, explique J.-P. Delord, et il n'aura pas lieu, qui sait si un taré ne va pas tirer sur la foule, ici, à Bugarach ? Les pires, ce ne sont pas les 'bizarres' qui vous appellent au téléphone, ou qui vous écrivent. Non, les pires, ce sont les silencieux, les déterminés : ils peuvent venir ici incognito, camouflés, armés… Allez savoir ?".
Ce scénario, les gendarmes l'ont inclus dans leurs hypothèses de travail. Car si la fin du monde, en tant que telle, n'est qu'une aimable plaisanterie, tout le monde ne le comprend pas ainsi. Des impulsifs peuvent en effet se déplacer. "Depuis quelques jours, tout s'accélère, ajoute le maire. Les loufoques qui nous contactent pour louer des bunkers ou des maisons sont de plus en plus nombreux. Puis, il y a ceux qui nous reprochent d'interdire l'accès du Pic car la soucoupe volante venue pour les sauver ne pourra pas atterrir (sic !). S'agit-il de blagueurs ? Pas forcément… Imaginons qu'un de ces types prenne peur à l'approche du 21 décembre et vienne à Bugarach. Je crains des comportements irrationnels. Jusqu'où ça peut aller ?". Mais les impulsifs qui écrivent sont également inquiétants. Non, Jean-Pierre Delord ne sourit plus. Il a peur.
"Guerre froide extraterrestre"
"J'ai envoyé ces deux lettres à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) car là, vraiment, c'est trop". J.-P. Delord tend deux courriers. A la lecture, on se frotte les yeux… Premier extrait : "Contrairement aux rumeurs les plus fantaisistes propagées depuis plusieurs années par divers médias, je dois vous préciser qu'une catastrophe majeure affectant prochainement notre planète n'est pas inéluctable à condition que je puisse accomplir la tâche qui m'a été confiée par les autorités divines. A cet égard, je certifie n'appartenir à aucune secte, ni organisation religieuse ou spirituelle. Je suis totalement sain de corps et d'esprit (...). Je dois m'acquitter à présent de ma dette à l'égard de la Providence qui a décrété voici déjà un certain temps ma venue sur Terre. (...) Je souhaiterais savoir s'il existe à proximité de votre village un lieu paisible et peu fréquenté à partir duquel je pourrais lancer mon appel. Il conviendrait qu'une équipe de télévision puisse être présente à mes côtés". Dans l'en-tête, l'épistolier donne son nom et son mail dont l'arobase est suivi de "education. gouv. fr"… Second extrait : "La menace d'invasion extraterrestre est réelle et actuelle. Je précise que les deux policiers des renseignements généraux que j'ai rencontrés au Café de Paris, à Lille, à la demande de Nicolas Sarkozy, m'ont encouragé à continuer d'informer la population. (...) Il est possible que la discrétion des deux présidents de la République (NDLR : l'ancien et le nouveau) concernant mon dossier sur la guerre froide extraterrestre dans laquelle notre civilisation est impliquée du fait du christianisme, entraîne beaucoup de personnes que j'informe à douter de mon dossier. Je suis innocent ! Je maintiens que des communications ont lieu entre les deux groupes belligérants extraterrestres en présence et moi". Il explique également être "impliqué dans deux contacts ovnis" et il recherche "un(e) avocat(e) pour déposer plainte contre l'État à propos de cette affaire. Je pense que le maire de Bugarach, Jean-Piere Delord, me cause du tort"... Sous la signature de son nom, ce monsieur a ajouté "Vishnou, Kalki, le dixième Lila-Avatara".
Bugarach. Le buzz médiatique qui inquiète la population
évènement
La Dépêche
Le petit foyer de Rennes-les-Bains faisait hier soir salle comble pour la première réunion d'information directe à la population des trois villages concernés : Bugarach, Camps-sur-l'Agly et Saint-Louis-et-Parahou, sur la «liberté encadrée» du 21 décembre, jour du «non-événement» comme l'expliquait en préambule le directeur de cabinet du préfet, chargé de la sécurité Nicolas Martrenchard accompagné du sous-préfet de Limoux Sébastien Lanoye. Un rendez-vous aussi pour rassurer les habitants visiblement inquiets par le déferlement médiatique et par les conséquences du dispositif qui encadreront ces journées dont personne ne connaît encore l'affluence concentrée dans le secteur le jour «J». Cette «liberté encadrée» fera l'objet de laissez-passer demandés pour tous les véhicules des résidants à leurs communes qui transmettront à la préfecture et renverront ensuite à la mairie. Ses autorisations de circuler devront être apposées sur les voitures de façon visible et contrôlable aux trois points de filtrage : au croisement de la RD 214 et de la RD 152 sur la route de Bugarach, à l'intersection de la RD46 et RD 45 à Saint-Louis-et-Parahou et à Cubières sur Cinoble sur la RD14 et la RD 45, valables du 19 décembre 12 heures au 23 décembre midi. Le responsable de la sécurité confirmait également qu'en plus des gendarmes mobilisés, seront détachés sur place des patrouilles de la garde républicaine à cheval. Le pic, lui, sera totalement interdit d'accès même à pied, les petites randonnées entre amis pour les curieux seront impossibles. Un dispositif présenté comme : «modulable et adaptable selon l'affluence, plus il y aura de monde plus le dispositif se durcira». Inutile d'amener les tentes, le camping ne sera pas non plus autorisé sur la zone, et les chasseurs devront ranger leurs fusils les 5 jours. Des recommandations qui ont fini par attiser une tension latente dans cette salle du foyer de Rennes qui n'avait pas vu autant de monde depuis bien longtemps. Certains voulaient connaître la définition d'un résidant, les services de l'État précisaient qu'étaient compris les yourtes et les tipis. D'autres s'interrogeaient sur le rôle des médias et prenaient à partie la presse dans la salle, dénonçant la chasse aux Indiens : «Il faut censurer les médias, ils auraient dû rester dehors, ils nous font passer pour des guignols.» reprenait un homme, aussitôt coupé par une dame : «Si ça vous gène il ne fallait pas venir c'est une réunion publique» puis une autre plus pragmatique : «Il faut en profiter pour vendre notre belle région». Un déballage grandeur nature où de vieilles tensions étaient mises au jour. Énervements parfois hors sujet entre néoruraux et population autochtone. Certains s'inquiétaient des rumeurs qui circulaient : toutes les grottes du pech ont-elles été cimentées ? Les sectes apocalyptiques enverront-elles leurs adeptes se suicider ? Ou encore cette autre personne dans un grand sérieux qui affirmait que : «Ces grandes manœuvres ressemblaient à de la manipulation mentale pour nous faire accepter l'inacceptable, ça sent la gestapo pour créer de la peur. Vous voyez c'est une méthode, un concept». Des applaudissements timides ponctuaient même son intervention. Un jeune homme demandait comment reconnaître les points de filtrage. Le directeur de cabinet du préfet, recommandait alors une grande prudence aux conducteurs et demandait de ralentir pour se laisser contrôler à chaque point. Des populations visiblement agacées, pour des raisons souvent différentes et bien des questions restées sans réponses.
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