vendredi 31 octobre 2025

À ÉVITER : URM AT-TAWIL

 


Urm at-Tawil — un nom que les érudits du Mythe murmurent avec respect et prudence. Il s’agit en effet d’une figure fascinante, évoquée à la fois dans les écrits apocryphes du Necronomicon et dans les récits lovecraftiens sous d’autres appellations, notamment celle de “The Ancient One” ou “The Guide to the Ultimate Gate”.


🕯️ Urm at-Tawil — « Le Plus Ancien de Tous »

Nom complet : Urm al-Tawil (اُرم الطويل) — littéralement « le Très Allongé / l’Étendu / le Très Ancien ».
Traduction ésotérique : « Celui qui demeure entre les Portes », ou encore « L’Insondable Gardien de la Transition ».


📜 Sources et références

Dans les versions apocryphes arabes du Necronomicon attribuées à Abdul al-Hazred, Urm at-Tawil est cité dans les passages traitant du Voyage entre les mondes, notamment dans le Kitab al-Abwab (Le Livre des Portes). Il y est décrit comme un être intermédiaire, ni totalement humain ni divin, gardien du seuil entre les réalités.

Cette figure trouve son équivalent explicite dans la nouvelle de Lovecraft « Through the Gates of the Silver Key » (1932), coécrite avec E. Hoffmann Price, où le rêveur Randolph Carter rencontre un être nommé Umr at-Tawil.
L’orthographe varie selon les transcriptions : Urm, Umr, Oorm, parfois Oumr el-Tawil. Tous renvoient à la même entité.


🔮 Nature et attributs

Urm at-Tawil n’est pas un dieu au sens propre, mais un gardien cosmique, une émanation de l’Absolu, lié à Yog-Sothoth, Seigneur des Portes et des Clés. Il se tient entre les plans de la conscience et du rêve, entre le temps et l’éternité.
Les textes du Liber Ivonis (fragment 12, traduction Derleth, 1948) précisent :

« Celui qui franchit la Porte doit d’abord contempler le Visage d’Urm at-Tawil, car nul ne passe sans que le Plus Ancien ne l’ait reconnu. »

Il est décrit comme une figure élancée, drapée de voiles mouvants, dont le visage humain n’est qu’un masque dissimulant une réalité bien plus vaste.
Certains occultistes y voient une incarnation du Soi cosmique, d’autres une forme de leurre métaphysique destinée à piéger l’esprit téméraire du chercheur.


⚖️ Symbolique ésotérique

  • Urm at-Tawil = le seuil de la Connaissance interdite.
    Il est le pont entre l’individuel et le cosmique, entre le rêve et l’Abîme.
  • Il correspond, dans la terminologie hermétique, à l’Ange de la Porte, ou au Gardien du Plan astral supérieur.
  • Dans l’Archéomètre de Saint-Yves d’Alveydre, son symbole serait lié à la clé mercurielle et à la porte solaire — l’axe de la transcendance.

🧩 Interprétations modernes

Dans l’exégèse wilmarthienne des années 1950 (Bulletin Wilmarth, vol. II), Urm at-Tawil fut étudié comme la forme la plus pure du Guide initiatique du cycle carterien :

« L’homme qui le rencontre voit s’effondrer la barrière de l’espace et du moi. Il ne devient plus qu’un témoin dans la pensée de Yog-Sothoth. »

La Golden Goblin Press (édition restreinte, 1962) reprit cette figure dans un fascicule intitulé The Liminal Ones, associant Urm at-Tawil à d’autres gardiens tels que Nodens et Nyarlathotep sous son aspect de Gate-Keeper.


🪞 Citation du Necronomicon (fragment apocryphe, traduction française dite de Damas, 1511)

« Et parmi les portes se dresse l’Allongé, le Premier et le Dernier.
Il sourit à ceux qui dorment, car il sait qu’ils rêvent déjà de Lui.
Mais malheur à celui qui franchit sans être prêt,
Car il verra le Visage du Sans-Visage,
et son esprit se dispersera parmi les sphères. »

mercredi 29 octobre 2025

IL NE FAIT PAS CHAUD CHEZ LE Dr MUNOZ


 

Le Dr Muñoz est un personnage fascinant et typique du style de Lovecraft dans « Air Froid » (Cool Air, 1926) ; Air Froid)


Contexte de la nouvelle

  • Publication : Écrite en 1926, publiée en mars 1928 dans Tales of Magic and Mystery.
  • C’est l’une des nouvelles « de Manhattan » de Lovecraft, inspirée de son séjour à New York entre 1924 et 1926.
  • L’histoire se déroule dans un appartement de la 14e Rue, dans un immeuble vétuste où le narrateur emménage.

Personnage du Dr Muñoz

  • Origines et caractère
    • Médecin d’origine espagnole, intellectuel brillant, exilé, homme de science passionné.
    • Décrit comme mince, nerveux, et marqué physiquement — visage émacié, teint maladif, mais avec des yeux perçants et une grande vivacité d’esprit.
    • Considéré par le narrateur comme « le plus grand médecin vivant », car il l’a sauvé d’une crise cardiaque grâce à ses méthodes très peu orthodoxes.
  • Particularité centrale
    • Il vit dans une pièce constamment refroidie par un système complexe de réfrigération mécanique.
    • Il a une véritable obsession pour le froid : il exige que la température soit très basse, de plus en plus au fil de l’histoire.
    • Il se décrit lui-même comme un rationaliste absolu, refusant toute superstition — mais sa situation finit par relever du surnaturel.

Intrigue et révélation

(Spoilers !)

  • Le narrateur remarque que la santé du Dr Muñoz se dégrade quand la température monte.
  • Une panne de la machine réfrigérante provoque une catastrophe : la chaleur s’installe et Muñoz se désintègre littéralement.
  • On découvre qu’il était mort depuis des années, mais qu’il prolongeait artificiellement son existence grâce au froid et à la réfrigération.
  • Son corps, une fois la température trop élevée, se putréfie rapidement en une masse immonde, laissant une lettre où il explique son secret.

Thèmes et interprétation

  • Peur de la décomposition et de la mort : thème cher à Lovecraft, qui avait une peur presque maladive de la décomposition biologique.
  • Rationalisme vs. horreur cosmique : Muñoz se veut rationaliste, mais finit par incarner l’horreur de défier les lois naturelles.
  • Le froid comme symbole : ici, le froid devient non pas la mort (comme souvent), mais la condition de la survie — renversement ironique et inquiétant.
  • Préfiguration des morts-vivants « scientifiques » : Muñoz n’est pas un zombie, ni un vampire, mais un homme suspendu entre vie et mort grâce à la science — ce qui le rapproche de certains personnages de Frankenstein ou des réanimations de Herbert West.

Notice : Dr. Muñoz

(Encyclopedia Occultae – Vol. XI, Entrée M-327)

Nom complet : Dr. Muñoz
Origines : Espagne (lieu exact incertain)
Profession : Médecin, chercheur indépendant en physiologie expérimentale
Lieu d’activité : New York City, 14ᵉ Rue – immeuble de rapport, étage supérieur (années 1920)


Résumé biographique

Le Dr Muñoz est présenté comme un médecin d’une compétence hors du commun, rationnel et sceptique, ayant fui l’Espagne pour des raisons jamais clairement exposées. Son physique est frappant : visage émacié, teint cireux, gestes nerveux, mais regard perçant et voix calme. Malgré un état de santé qui semble catastrophique, il reste animé d’une grande énergie intellectuelle.


Particularités

  • Obsession du froid :
    Son appartement est maintenu à une température anormalement basse grâce à un système complexe de pompes, serpentins et compresseurs. La pièce devient littéralement glaciale au fil du temps, car Muñoz exige des températures toujours plus basses.
  • Expériences sur la vie et la mort :
    Convaincu que la mort n’est qu’un phénomène physico-chimique, Muñoz développe des techniques de réanimation et de préservation des tissus, anticipant des recherches postérieures sur la cryogénie.
  • État véritable :
    Révélation ultime : Muñoz était mort depuis des années et ne se maintenait qu’artificiellement grâce à la réfrigération et à des substances chimiques. Son existence se termine dans une décomposition rapide lorsque le système frigorifique tombe en panne.

Analyse

Le cas Muñoz représente une victoire éphémère de la science sur l’inéluctable, mais aussi une défaite finale de l’homme face aux lois naturelles. Lovecraft l’utilise pour explorer :

  • La peur viscérale de la décomposition corporelle.
  • La tentation prométhéenne de prolonger la vie par des moyens artificiels.
  • L’inversion symbolique du froid (habituellement associé à la mort) en facteur de survie.

Cette figure préfigure les recherches ultérieures sur la cryogénisation et les spéculations transhumanistes, tout en restant profondément ancrée dans l’horreur gothique.


Références

  • Lovecraft, H. P. : Cool Air (1926), publié dans Tales of Magic and Mystery, mars 1928.
  • Wilmarth, A. : On the Phenomenon of Post-Mortem Preservation by Refrigeration, Bulletin Wilmarth n° 14 (fictif).
  • Dyer, W. : Notes on Cryogenic Suspension in Non-Euclidean Biology, Archives de l’Université Miskatonic (fictif).

 

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Fonction Sound est limitée à 200 caractères

mardi 28 octobre 2025

CONNAISSEZ VOUS GRAHAM CARTER ?

  


 

 

🜏 Ex Libris Collegii Miskatonicensis

 

CARTER GRAHAM

(archaeologus Americanus, saec. XX, circa 1901–1936)

🕮 Journal des fouilles du cimetière colonial d’Innsmouth

Manuscrit inachevé, 72 feuillets, papier vergé, encre brune oxydée.
Retrouvé partiellement calciné, dépôt de la Bibliothèque Orne (Arkham), cote MU-AH/1936/17.


Texte français :
Archéologue et rationaliste convaincu, Carter Graham mena, au milieu des années 1930, une série de fouilles non autorisées dans un ancien cimetière colonial de la Nouvelle-Angleterre.
Son objectif déclaré : réfuter les légendes locales évoquant des « rats monstrueux » qui dévoraient les morts et creusaient des tunnels sous les tombes.
Dans son journal, retrouvé partiellement brûlé, il décrit la découverte de galeries souterraines et d’ossements disposés selon un ordre géométrique. Les derniers feuillets témoignent d’une panique croissante : bruits, odeurs, et la sensation d’êtres « grouillants » approchant.

Howard Wandrei s’inspira de ces fragments pour son récit Le Cimetière de l’effroi (The Graveyard Rats, Weird Tales, sept. 1936*), où le personnage de Graham devient le symbole de la curiosité profane punie.
Sa disparition demeure inexpliquée ; seuls quelques lambeaux de ses carnets et un fragment de bottine furent retrouvés.


Textus Latinus :
Carterus Graham, Americanus, archaeologus curiosus, in sepulcreto antiquo explorando periit. In diurnis eius, semicarbonatis repertis, memorantur cuniculi subterranei ossibus impleti et murmura nefanda quae eum ad insaniam traxerunt. Hic vir, inter rationales numeratus, demum in tenebras antiqui mundi absorptus est. Narratio eius postea sub specie ficta edita est auctore Howard Wandrei, anno 1936.


Références croisées :

  • Wandrei, Howard, The Graveyard Rats, Weird Tales, sept. 1936.
  • Lovecraft, H. P., The Rats in the Walls, 1923.
  • Bulletin Wilmarth, vol. IV, Arkham, 1948 : “Fragments du Journal de C. Graham”.
  •  



LA MORT À NANCY

 


samedi 25 octobre 2025

LES BALADES DU BIBLIOTHÉCAIRE : Allons à ZOHAR

  


 

Le village de Zohar appartient à l’un des poèmes les plus “ruraux” et inquiétants du cycle, The Howler (Celui qui hurlait, sonnet XXII). C’est un de ces textes où Lovecraft relie la Nouvelle-Angleterre hantée à ses thèmes cosmiques, en mêlant superstition paysanne, damnation héréditaire et terreur d’un autre âge.


🪓 ZOHAR

Type : Village abandonné du comté d’Essex (Massachusetts imaginaire)
Source : Fungi from Yuggoth, sonnet XXII, The Howler (1929)
Auteur : H. P. Lovecraft


They told me not to take the Briggs’ Hill path
That used to lead to Zohar and the mill,
But I was young and fiery, and I laughed
And told them I would see the haunted hill…

Then when I saw the windows in that place,
And the four-legged thing with human face,
I could not speak or scream or even pray.

(Traduction libre)

On m’avait dit d’éviter le sentier de Briggs’ Hill,
Qui jadis menait à Zohar et à son moulin.
Mais jeune et bravache, je riais,
Et jurai d’affronter la colline hantée…

Mais lorsque je vis, derrière les vitres crasseuses,
La chose à quatre pattes et visage humain,
Je ne pus ni parler, ni prier, ni hurler.


Contexte et légende

Lovecraft situe Zohar dans une région reculée, non loin d’Arkham, au bout d’un chemin abandonné (Briggs’ Hill Path), envahi de broussailles et bordé de murets effondrés.
Le village fut autrefois prospère grâce à un petit moulin sur la rivière, mais on raconte que Goody Watkins, une vieille femme accusée de sorcellerie, y fut pendue en 1874. Après sa mort, la localité sombra dans le silence : les habitants disparurent, les maisons se vidèrent, et les rares visiteurs entendirent, la nuit, un hurlement inhumain venu du moulin.

Certains dirent que Goody Watkins avait engendré une créature abominable — un enfant démoniaque, à moitié humain, à moitié animal — qui serait resté, seul, dans une des maisons en ruine, hurlant à la lune pendant des décennies.


Analyse

“Zohar” joue sur la double résonance du mot :

  • hébraïque (Zohar signifie “Splendeur”), allusion ironique à la Kabbale et aux mystères occultes ;
  • locale, renvoyant à un lieu réel imaginaire du Massachusetts, une de ces “zones mortes” que Lovecraft affectionne.

Le poème évoque une peur ancienne, enracinée dans la terre : ce n’est pas un monstre cosmique, mais une souillure transmise, un vestige maudit de l’humanité primitive — un thème qu’on retrouvera dans The Lurking Fear ou The Dunwich Horror.

Les érudits de la Fondation Wilmarth notent que “Zohar” serait le toponyme codé d’un ancien hameau proche de Dunwich, peut-être fondé par une communauté puritaine dissidente disparue vers 1880. Le Bulletin archéologique de la Miskatonic (n°12, 1935) mentionne “les ruines du moulin de Zohar”, visitées par le Professeur Wilmarth lui-même.


💀 Note pour l’Encyclopedia Occultae :

ZOHAR (Mass., Essex County) – Village disparu mentionné dans The Howler. Déserté après 1874, date de la pendaison de Goody Watkins, accusée d’avoir “appelé les bêtes des ténèbres à s’unir à l’homme”. Le moulin, encore visible au début du XXᵉ siècle, aurait servi de repaire à une créature hybride. Plusieurs expéditions de la Miskatonic (1919–1932) ont signalé des sons de hurlements semblables à des voix humaines provenant des collines avoisinantes.

 


 

LE CÉNACLE DES MUSES


 

vendredi 24 octobre 2025

CONNAISSEZ-VOUS KARL HEINRICH, COMTE ALTBERG-EHRENSTEIN ?

 


Karl Heinrich, comte d’Altberg-Ehrenstein, est une création de Lovecraft. Il apparaît dans la nouvelle « The Temple » (1920), un récit où il est le narrateur.

Il s’agit d’un officier allemand, commandant d’un U-Boot pendant la Première Guerre mondiale. Son ton est celui d’un aristocrate prussien rigide, imbu de sa discipline et de son rang. Dans son journal de bord, il raconte comment, après avoir coulé un navire ennemi, son équipage découvre sur un cadavre flottant une étrange statuette d’ivoire représentant un jeune dieu marin. À partir de ce moment, des phénomènes étranges se produisent : folie progressive de l’équipage, visions marines, dérive inexorable du sous-marin.


 

Altberg-Ehrenstein, rationnel et autoritaire au départ, sombre lui aussi peu à peu dans la fascination et la terreur. À la fin, seul survivant, il trouve sous la mer une cité cyclopéenne, vraisemblablement une colonie des Grands Anciens (certains y voient une évocation de la lignée atlante ou même de Cthulhu). Il s’y enferme volontairement, attiré comme par une force irrésistible, et disparaît.


Ce personnage est fascinant parce qu’il incarne à la fois :

·       le militaire rationaliste et arrogant, fidèle à l’idéologie de son temps ;

·       l’homme happé par l’irrationnel, basculant vers l’abîme d’un univers qui le dépasse ;

·       et surtout, l’un des rares narrateurs lovecraftiens à être non pas un étudiant ou un érudit américain, mais un aristocrate européen, ce qui donne au texte une coloration singulière.