INSTITUT WILMARTH D’ÉTUDE DES FOLKLORES ANOMALOÏDES
Note interne n° 47-B / Dossier HPL-66C
Observations préliminaires sur le “Rêve ferroviaire” d’H.P. (Providence, 24 novembre 1927)
Rédacteur :
Prof. Albert N. Wilmarth, Département de Littérature Comparée,
Miskatonic University, Arkham.
Document de
travail – Diffusion restreinte
(Archives des Phénomènes Onirico-Folkloriques, Section C : « Dépôts
subconscients perturbés »)
1. Nature du document source
Le présent
dossier examine un rêve rapporté par un certain Howard Philipps,
demeurant au 66 College Street, Providence, dans une lettre adressée à
son correspondant Donald Wandrei le 24 novembre 1927.
Ce rêve constitue le matériau narratif de ce qui deviendra, en 1934, la courte
nouvelle La Chose dans la clarté lunaire, dont le caractère
autobiographique ne laisse aucun doute.
Il représente l’un des exemples les plus nets de rêve traumatique à vecteur ferroviaire, catégorie reconnue par la Commission Onirique Wilmarth depuis 1919.
2. Description synthétique du rêve
Le rêveur se
voit transporté à travers un paysage nocturne sur une vieille voie ferrée,
à bord d’un tramway jaune d’apparence vétuste.
Le véhicule est conduit par un personnage monstrueux :
- visage conique, blanc, dépourvu de traits,
- extrémité façonnée en appendice tentaculaire rouge,
- cri perçant dirigé vers la lune, non vers le rêveur.
Cette scène se déroule sans interaction directe : le rêveur est un passager impuissant, dépourvu de contrôle sur la trajectoire ou l’arrêt du véhicule.
3. Interprétation folklorique (Modèle Wilmarth 1922)
3.1. Le rail comme motif de liminalité
Dans les
traditions de Nouvelle-Angleterre, la voie ferrée abandonnée figure le passage
suspendu, c’est-à-dire un itinéraire menant d’un monde connu vers un espace
transitoire.
On retrouve ce motif dans :
- les contes de voyageurs hypnotisés (Cape Ann, 1850),
- les légendes ferroviaires de la Connecticut Southern Line,
- plusieurs récits oraux recueillis à Ipswich et Rowley.
Le rail définit un couloir de destinée, où le rêveur n’est plus agent mais « transporté ».
3.2. Le tramway jaune : le véhicule psychopompe civil
Contrairement
aux trains nocturnes que l’on associe aux messagers surnaturels, le tramway
relève d’un folklore plus urbain.
Son apparition dans les rêves suggère l’intervention d’un psychopompe mineur,
c’est-à-dire un guide d’entre-mondes issu non du sacré, mais du quotidien.
Sa couleur jaune, rare dans les véhicules oniriques, est traditionnellement
liée aux récits de :
- déréalisation,
- fièvre crépusculaire,
- contamination mentale (référence indirecte au fameux « Livre Jaune » de Chambers, catalogue non classé MU-CH-1895).
3.3. Le chauffeur tentaculaire : entité de type “Formless Driver”
La Commission
Wilmarth classe ce type d’apparition dans la catégorie FD-1, soit «
conducteur sans visage doté d’un organe sensoriel substitutif ».
On en retrouve des analogues :
- dans les rêves des marins de Kingsport (1912),
- dans deux dossiers orphiques d’Arkham (1917),
- et dans un cas rapporté par J. Cabot concernant un veilleur de la ligne Boston–Revere (1923).
Le tentacule
rouge est interprété comme organe de perception extrahumaine, et non
comme une bouche ou une arme.
Le hurlement à la lune constitue un rituel de résonance astrale, visant
non à communiquer mais à s’orienter.
4. Interprétation psychologique (École Arkham 1925)
Selon les
schémas établis par le Dr. Hastings pour les rêves “à locomotive intérieure”,
ce rêve illustre un stade avancé de désappropriation du contrôle de soi.
Le rêveur :
- ne choisit pas le véhicule,
- ne choisit pas la destination,
- ne peut dialoguer avec le conducteur,
- est exposé à une puissance qui semble utiliser ses propres voies mnésiques contre lui.
Cette configuration est typique des états de surcharge imaginative observés chez les individus à forte activité créatrice et rythmes de sommeil instables.
5. Hypothèse Wilmarth (Résumé)
Le rêve ferroviaire d’H.P. doit être compris comme :
La mise en scène d’un passage forcé dans un espace liminal où le rêveur, conduit par une entité non anthropomorphe, est privé de son agentivité et soumis à un vecteur onirique autonome.
Il s’agit d’un
mécanisme proche du “Dream Abduction”, ou « enlèvement onirique », déjà
observé dans d’autres dossiers concernant cet individu.
L’élément lunaire, omniprésent, renforce l’idée d’un appel extérieur,
auquel le chauffeur monstrueux répond plutôt qu’il n’obéit.
6. Conclusion & recommandations
Le cas doit être classé en Niveau 3 – Forte valeur comparative, en raison :
- de la richesse des motifs folkloriques,
- de l’unicité de la figure du chauffeur,
- de la relation probable avec d’autres expériences nocturnes du même correspondant.
Il est recommandé de rapprocher ce dossier des archives :
- Dossier Carter – Périple Onirique,
- Dossier Gilman – Topologie Géométrique du Sommeil,
- Dossier Ward – Intrusions identitaires,
- et des fragments sur les « conducteurs sans visage » issus du fonds Cabot.


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