mardi 25 novembre 2025

OÙ l'ON VOIT LOVECRAFT CRITIQUER LA SCIENCE-FICTION

 


NOTICE – Dan Bor dans Cosmos Effondrés (1935)

Références : Hammond Eggleton (pseud.), Lovecraft & R. H. Barlow (collaboration inachevée)

Première publication complète : Leaves, 1938 (éditée postérieurement)


1. Contexte de création

Cosmos Effondrés est un round robin, c’est-à-dire un texte collectif où les auteurs se succèdent à chaque chapitre.
Hammond Eggleton n’est qu’un nom de couverture : le véritable tandem est Lovecraft + Barlow, qui écrivent ce texte à moitié pour s’amuser, à moitié pour s’exercer à « pousser les codes SF de l’époque jusqu’à l’absurde ».

Nous sommes en 1935 :

  • l’âge du space opera flamboyant,
  • les empires galactiques façon Smith ou Hamilton,
  • les appareils impossibles,
  • les super-armes dimensionnelles.

Lovecraft s’en amuse, Barlow aussi.


2. Qui est Dan Bor ?

Dan Bor est présenté comme :

  • un observateur cosmique,
  • installé devant un instrument fabuleux : le cosmoscope,
  • chargé de surveiller les « brèches » entre univers contigus.

C’est une caricature du savant spatial omniscient des pulps :
Lovecraft et Barlow lui donnent des réactions outrées, parfois trop emphatiques, volontairement théâtrales.

Lorsqu’il regarde dans son cosmoscope, il « voit » :

une flotte ennemie pénétrer dans son univers — littéralement depuis un autre continuum.

On est là dans une parodie directe des « empires dimensionnels » de E.E. « Doc » Smith — mais en plus outrancier.

 


 


3. L’élément central : l’invasion inter-cosmique

Ce que Dan Bor observe n’est pas une invasion spatiale classique, mais quelque chose comme :

  • un flux de vaisseaux étrangers,
  • surgissant d’une fracture cosmique,
  • décrits avec un humour volontaire :
    formes impossibles, armes absurdes, escadrilles infinies…

Dan Bor est alors obligé d’alerter :

4. La Chambre du Grand Conseil

Cette entité politique, volontairement pompeuse, parodie les gouvernements interstellaires moralisateurs des space operas des années 1930.

Elle décide :

d’envoyer une flotte de défense,

dirigée par le non moins parodique :

5. Hak Ni

Un nom volontairement exotique, quasi orientalisant, destiné à moquer les chefs de flottes héroïques et martiaux des pulps.

Hak Ni doit :

  • mobiliser une flotte,
  • repousser l’invasion,
  • protéger l’intégrité de l’univers.

6. L’histoire s’arrête là — et c’est normal

Le texte est inachevé, arrêté brutalement.
On ne connaît :

  • ni l’issue de la bataille,
  • ni le destin de Dan Bor,
  • ni celui de Hak Ni,
  • ni l’identité réelle de la flotte ennemie.

Cela faisait partie du principe :
Lovecraft et Barlow improvisaient. Puis :

  • ils ont manqué de temps,
  • Barlow s’est dispersé,
  • Lovecraft a cessé d’y revenir.

Le texte est resté un fragment plaisant, un exercice littéraire privé, finalement publié après coup.


7. Importance dans la “proto-SF lovecraftienne”

Ce n’est pas un texte majeur, mais il est précieux car il montre :

  • Lovecraft s’amusant avec les codes SF,
  • un univers volontairement kitsch,
  • une volonté de parodie du space opera,
  • les germes d’un humour cosmique rare chez lui.

Dan Bor reste donc un personnage proto-parodique, un clin d’œil à toute une époque.

 

 

 


 

 

 

Hak Ni – Commandant suprême de la Flotte de Défense Intercosmique

Source principale : Cosmos Effondrés / Collapsing Cosmoses (Hammond Eggleton ; Lovecraft & Barlow, 1935)


1. Statut narratif et origine du personnage

Hak Ni est un personnage central — mais paradoxalement quasi muet — de Cosmos Effondrés, texte parodique et inachevé conçu par H. P. Lovecraft et R. H. Barlow.
Il apparaît uniquement lorsque la Chambre du Grand Conseil décide de mobiliser la Flotte de Défense Intercosmique en réponse à l’alerte de Dan Bor.

Hak Ni est ce que l’on peut appeler une figure d’autorité parodique :

  • chef militaire héroïque,
  • stéréotype du commandeur spatial invincible,
  • incarnation volontairement outrancière des clichés du space opera des années 1930.

2. Étymologie et fonction symbolique du nom

Le nom Hak Ni ne renvoie à aucune langue réelle.
Il semble volontairement exotique et abrupt, jouant sur l’illusion de “barbarisme noble” que l’on trouvait dans les space operas de E. E. « Doc » Smith ou Edmond Hamilton.

On peut y voir :

  • un pastiche des noms martiaux pseudo-asiatiques utilisés dans la SF pulp,
  • une condensation phonétique conçue pour sonner « intergalactique »,
  • une forme d’humour volontaire (à la manière du Gharl Ni, Torg Vhlan, etc.).

Hak Ni n'est pas un personnage développé psychologiquement : il est un symbole, une caricature.


3. Rôle narratif dans l’intrigue

Hak Ni est désigné pour prendre la tête de la flotte répondant à l’invasion inter-cosmique.

Il reçoit pour mission :

  • de mobiliser l’ensemble des escadrilles stellaires,
  • de verrouiller les accès dimensionnels,
  • et de repousser la flotte étrangère identifiée par Dan Bor au cosmoscope.

Il est donc à la tête de la plus grande force militaire de l’univers… mais, ironie totale, l’histoire s’interrompt avant même qu'il ne prononce une seule phrase ou donne un seul ordre.

La parodie est totale :
la figure héroïque est invoquée, jamais utilisée.


4. Interprétation littéraire

Hak Ni existe avant tout comme une déformation humoristique des archétypes du space opera héroïque.

Son rôle est comparable aux officiers idéalisés des pulps :

  • nobles,
  • stratégiques,
  • invincibles,
  • charismatiques,
  • et fondamentalement interchangeables.

Ce n’est pas un personnage, mais un concept parodique, une pièce de décor dans un univers lui-même parodique.

Lovecraft et Barlow semblent se moquer de :

  • la rhétorique martiale,
  • le surhomme spatial,
  • les flottes infinies commandées par des généraux à noms invraisemblables,
  • la structure narrative des space operas en mode « menace cosmique – flotte héroïque – sauveur de l’univers ».

5. Importance dans la tradition lovecraftienne élargie

Bien que mineur, Hak Ni est intéressant car il représente quelque chose d’assez rare chez Lovecraft :
le space opera volontairement caricatural.

Grâce à lui, on constate :

  • la distance ironique entre Lovecraft et la SF dominante de l’époque,
  • la capacité de Barlow à pousser la parodie,
  • la plasticité du mythe Lovecraftien lorsque détourné par le jeu littéraire.

Hak Ni est donc, dans l’étrange cartographie de « l’univers étendu Lovecraft-Barlow », le prototype du héros vide, de l’icône spatiale qui existe uniquement comme pastiche.


Conclusion

Hak Ni est un personnage fascinant précisément parce qu’il n’a pas le temps d’exister.
C’est une silhouette héroïque, une ombre en uniforme cosmique, suspendue au-dessus d’un récit qui s’effondre avant de commencer.
Il est l’un des rares témoins d’un Lovecraft amusé à déconstruire les codes de la SF pulp.

 

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