mercredi 21 décembre 2011

DANS UN AN, CE SERA FINI ( sauf à Bugarach)

06h00 | Mis à jour 09h37
Par JACKY SANUDO
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 SUD OUEST

 

Apocalypse : la fin du monde en 2012… sauf à Bugarach ?

Certains croient que notre dernière heure arrivera dans un an jour pour jour. Seul un village de l'Aude échapperait à ce destin funeste prédit par les Mayas. Reportage.

Corine Leblanc, habitante de Bugarach, avec le mystérieux pech en arrière-plan.
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Corine Leblanc, habitante de Bugarach, avec le mystérieux pech en arrière-plan.
Juste après Limoux, voilà Couiza. Plein centre, tourner à gauche, direction Rennes-les-Bains. Suivre l'unique route, qui grimpe sur une dizaine de kilomètres. On y est : Bugarach. A priori, rien d'extraordinaire. Et pourtant ! Nous foulons le sol qui va échapper à l'Apocalypse. La prédiction ne doit rien à saint Jean l'Évangéliste, elle s'inspire du calendrier maya, qui se termine le 21 décembre 2012. Et, après cette date, le déluge.
Le village, un an avant, est calme de chez calme. Le presbytère, table et chambre d'hôtes, ouvert toute l'année, est malencontreusement fermé. Même sentence pour le bar-restaurant Les Saveurs du terroir. Une bétonneuse ronronne, un chien aboie et un tracteur passe, la remorque débordant de bûches pour l'hiver.
Les rues en pente douce, que l'on appelle ici « carrieras », sonnent creux. Bon nombre de maisons sont à vendre. L'état de délabrement des écriteaux permet de douter de la réussite des vendeurs. Ces derniers temps, les prix ont triplé. L'abri pour échapper à la fin du monde ne fait pas encore recette. En revanche, la carte postale fait un carton. Elle est signée Jean-Louis Socquet-Juglard. On y voit le pech de Bugarach enneigé en son sommet. Celui-ci culmine à 1 231 mètres, ce qui en fait la sentinelle des Corbières. Jolie photographie, qui a pris toute sa dimension mercantile avec l'ajout d'une soucoupe survolant le site. On peut sourire, le photographe le premier, mais d'autres (dont un certain Jean d'Argoun) soutiennent mordicus avoir rencontré des êtres de l'espace ou avoir vu des choses qui ne s'expliquent pas (lire ci-dessous).
Le Bouddha et l'aigle
Il y a une drôle d'ambiance à Bugarach. Cela n'enlève rien au cadre merveilleux, ponctué par la beauté du lac dans lequel se jettent des cascatelles. Que dire du pont romain ? Sublime. Quant au pic, on y imagine les formes que l'on veut, comme dans les nuages qu'il tutoie. À droite : un Bouddha assis ; au centre : un aigle d'armoiries. Tous deux incarnent le divin, dit-on, mais c'est peut-être une illusion d'optique.
Drôle d'ambiance, disions-nous. Dans le village, où cohabitent une dizaine de nationalités, au milieu des annonces municipales fleurissent des invitations au chamanisme. Pour l'harmonisation des corps de lumière et l'intégration de la puissance de vie, dit le tract. On propose aussi une formation à la médecine chinoise et au qi gong thérapeutique. La méthode Feldenkrais, « accessible à tous », cherche des émules. Et des séjours en camp indien, forcément sous le tipi, sont tout indiqués. Rosicruciens, néotempliers, sionistes, adeptes du Nouvel Âge ont leur rond de serviette dans les grottes voisines.
« Cela fait trente-cinq ans que je suis maire de la commune et j'ai toujours croisé des énergumènes qui cherchaient des choses. Pourtant, les gens d'ici ont les pieds sur terre. Au début, cette histoire de fin du monde m'agaçait, même si je suis pour la liberté de culte. Cela a attiré un petit nombre d'illuminés que j'appelle des utopistes. Les touristes viennent humer les on-dit et, finalement, ce n'est pas mauvais pour le commerce », assure Jean-Pierre Delord.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) s'est également intéressée à la région et a placé quelques personnes du « Triangle d'or » sous surveillance. « Il y a quelques inquiétudes mais, après mûre réflexion, je souhaite que de bons extra- et intraterrestres débarquent pour mettre un peu d'ordre dans ce monde qui marche sur la tête », plaisante l'édile agriculteur, originaire du Bugue, en Dordogne.
La visite de la petite église au clocher carré instille de nouveau le doute. On trouve là huit vitraux représentant des personnages bibliques dont les visages sont étrangement effacés. Tous ont subi l'outrage sauf Tobie, figure judéenne qui guérit miraculeusement son père de la cécité dans l'Ancien Testament.
« Il y a ceux qui savent, et il y a les autres… », lit-on sur le site 2012bugarach.com. Corine Leblanc ne sait pas dans quelle catégorie se situer. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle adore ce lieu où elle est revenue après de nombreuses tribulations de par le monde. Elle retrouve le bonheur de son enfance, quand elle venait rendre visite à son grand-oncle. Alors elle s'est installée et tient une boutique bio, le Relais de Bugarach. « Il n'y a pas de secte ici, pas plus que des gens qui courent nus dans les rues. Ce sont juste des personnes qui veulent vivre avec la nature. Ce sont des résistants au monde actuel. Ils disent leur ras-le-bol dans la méditation en un lieu qui s'y prête », assure-t-elle, tout en avouant avoir un besoin vital de chercher le pouvoir de l'amour au-delà de l'espace-temps.
Naturellement, elle refuse d'être classée dans la catégorie des illuminés. « Je suis ouverte à tout, mais objective. Il y a les faits et les interprétations. Cette histoire de fin du monde me dépasse un peu. Nous sommes dans l'expectative. Selon moi, nous assisterons plutôt à la fin d'un système mondial », affirme cette commerçante pas ordinaire.
Corine Leblanc, contrairement aux 20 000 personnes qui ont grimpé cette année le pic de Bugarach à la force du mollet ou de l'esprit, n'en est pas a son coup d'essai. Elle en connaît la hauteur par cœur et a même survolé le pech en ULM, alors qu'on prétend la chose impossible. Un hameau abandonné tout là-haut garde pourtant ses mystères.
Apocalypse ou pas, Corine restera là. Et elle veillera à ce que le parc d'éoliennes prévu en cet endroit ne vienne pas polluer le paysage. Elle espère que cette diversion de fin du monde ne fera pas passer le projet. Ni avant ni après le 21 décembre 2012.
Les Mayas et le Cinquième Soleil Tout aurait commencé le 11 août 3114 avant J.-C. Ce serait, selon les Mayas, la date de la création de l'Univers, correspondant à l'apparition de la planète Vénus au-dessus de l'horizon terrestre. Cette année zéro marque le début du premier cycle dans le calendrier des Indiens d'Amérique centrale.
Chez eux le temps s'écoulait en « kin » (1 jour), « uinal » (20 jours), « tun » (360 jours), « katun » (7 200 jours), « baktun » (144 000 jours). Nous serions actuellement dans un cycle long, le même que celui qu'ont connu les Mayas, appelé le « Cinquième Soleil ». Sa fin surviendrait le 21 décembre 2012, juste avant le coucher du soleil. Les astronomes prévoient que, à ce moment précis, Vénus disparaisse sous l'horizon occidental pour laisser la place aux Pléiades.
Un nouveau cycle ?
Il n'en fallait pas beaucoup plus pour que certains imaginent la fin du monde à cette date, alors que les Mayas n'ont, semble-t-il, rien prédit de tel. Tout juste annoncent-ils l'émergence d'un nouveau cycle - que des spécialistes situent d'ailleurs au solstice d'hiver 2014.
La crainte que le temps ne finisse au terme d'un cycle où tout serait détruit se retrouve dans toutes les cultures. Pour les Babyloniens, il s'agissait du déluge, pour les chrétiens, de l'Apocalypse, et, chez les hindous, Shiva s'en chargeait.
J. S.

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